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Le
général Toufik « a parlé ». L'expression est presque
savoureuse quand on se souvient qu'il s'agit d'un homme des Services, du Grand
interrogateur de la décennie 90. On s'empressera donc d'analyser et de conclure
: l'affaire est si grave que même cet homme qui a le culte du secret a fini par
prendre parole et entrer en opposition contre la monarchie.
Cette même monarchie qu'il a fabriquée, assistée, soutenue, aidée et dont il va payer le prix comme beaucoup de ses pairs. C'est la règle du jeu de Bouteflika : pas d'amis, seulement des adversaires en sursis. Bouteflika est un homme dont la ruse et la méfiance sont légendaires et le pseudo légalisme de Toufik ne le sauvera pas de la cendre. Comme ce fut le cas pour Lamari. Avis donc aux rabatteurs et aux hommes de main et de langue aujourd'hui. Sauf que la question n'est pas dans ce que Toufik dit ou ne dit pas. L'homme est dégalonné et ne pèse rien sauf comme témoin d'époque ou comme boîte noire pour archives. La question est « est-ce que Bouteflika et les siens risquent un renversement par l'armée ? ». Pourquoi par l'armée ? Parce que l'opposition civile est faible, affaiblie, et cernée et n'a pas d'armes pour prendre la rue, ni la rue pour marcher devant. Et parce que les Algériens sont assis, mangent et prient. Donc, même si on continue de vouloir faire croire que l'opposition peut faire négocier la SARL, tous savent, en mêlant pudeur, chuchotis et clin d'œil que si l'armée ne décide pas de décider, rien ne se fera. Donc, la vraie question reste la même: est-ce que l'affaire des généraux, le climat de peur et de colère qu'elle a entraîné, le soupçon et les disgrâces punitives, vont pousser à un renversement malgré Gaïd Salah et ses clefs à la ceinture ? Car l'armée est durement touchée par ce lavage de linge sale en public. La règle du jeu est de rester silencieux, mais l'usage est de soupirer après 20 heures, s'inquiéter et interroger l'avenir. Se remémorer l'époque des décideurs et se lamenter sur les mises en retraite précoces, les purges, les vengeances et les délations. Dans certains cercles, le mythe le plus puissant est celui d'un possible « sursaut patriote » attendu par beaucoup, entamé par personne, désiré mais seulement désiré. Est-ce vrai ? Possible ou pas du tout. Cela reste un bruit de café pour le moment. L'armée reste soudée derrière sa hiérarchie par tradition de discipline et la révolte a ceci de faible qu'elle n'est pas synchrone avec le présent : elle vient après la mise en retraite, pas avant. La colère est réelle, l'effet des purges sur l'armée est profond, on se demandera même avec raison si cette même armée fera barrage au prochain Néo-FIS qui s'annonce, sachant ce qu'elle sait maintenant sur la facture du sacrifice : des généraux en prison et l'Emir Mazrag traité comme un Général. Cela ne fait pas sortir la caserne vers la rue et la SARL le sait et abuse en s'appuyant sur un autre corps constitué, plus fidèle. Etrange cas : c'est la police qui est venue frapper avec la godasse au portail d'El Mouradia pour réclamer de l'argent et c'est l'armée qui est soupçonnée, toujours, de possible coup d'Etat ! L'essentiel est cependant sous les yeux : un encanaillement politique généralisé (pleurez en écoutant Saïdani parler de « poule » et usant d'un langage d'Abassi Madani à l'encontre de Louisa Hannoun), des procès au forceps contre des généraux, des arrestations de malfrats pour des officiers, un langage de menaces comme langage politique et une culture de gang en guise de culture d'Etat et un Président promené comme une procuration de notaire pour donner de la légitimité à des œuvres de prédations. Cela ne va pas se terminer avec une réconciliation cette fois. La question reste posée : comment va se terminer cette histoire entre l'armée et le Président et ses hommes ? Quelle est la facture de cet immense lavage de linge sale en famille ? Quelle dose d'indignité peuvent encore supporter les Algériens en restant assis ? Quelle est la durée de vie de Amar Saidani et ses employeurs et leur langage d'éleveurs ? Donc ce que dit Toufik l'Alias, n'a plus de sens. C'est juste un indice, une discussion de café, la révolte d'un retraité. Ce qui est important est ce que n'ont pas encore dit ouvertement les autres. Ce qu'ils pensent. Ou ne pensent pas. C'est la vraie énigme politique algérienne du moment. |
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