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La caverne de Ben Laden

par Brahim SENOUCI

On en apprend tous les jours. Ainsi, Ben Laden, avant son exécution,était prêt à fuir à tout moment. La preuve, selon les autorités étatsuniennes, il avait l'équivalent de 500 Euros en poche et deux numéros de téléphone. Avec ça, il est vrai qu'on peut tenir tête à la CIA, au FBI, au Mossad, au prix des kalachnikovs, des explosifs, des légumes frais, de l'essence, du téléphone?

Je me suis senti assez bien en lisant cette information. Je venais de passer à ma banque pour un retrait un peu plus modeste que celui dont il est question plus haut, 400 Euros tout de même en belles coupures de 100 Euros. Mon répertoire téléphonique, en revanche, était bien plus fourni que celui de Ben Laden. Je disposais de plus de 200 numéros sur mon téléphone mobile. J'étais donc un peu plus armé que lui et je songeais à mener enfin la vie aventureuse dont j'avais toujours rêvé, entre avions, hôtels 5 étoiles, grottes, villas dans des pays accueillants. Tout à ma rêverie, je grillais un feu rouge, sous les yeux d'un policier qui m'intima l'ordre de m'arrêter immédiatement. Bêtement, j'obéis. Nul doute que mon modèle aurait appuyé sur le champignon pour fuir le contribuable. Je n'avais pas encore son expérience et j'obtempérais. C'est ainsi que ma journée commença avec un permis allégé de 5 points et une amende de 300 Euros. Mon téléphone mobile fut épargné mais il me parut évident que ma période héroïque venait de prendre fin.

J'ai appris le même jour que la villa dans laquelle vivait l'ennemi public regorgeait de pièces à conviction, des ordinateurs, des disques durs, des DVD. On y trouva les objets les plus insolites, tels des cassettes à caractère pornographique. On ne put s'empêcher d'associer cette information avec les images du dangereux terroriste armé d'une télécommande, le regard plongé sur un écran de télévision. Mais que pouvait-il bien regarder ? Son image, disent-ils. Tiens donc !

J'y vois une tout autre explication. Ces fameuses cassettes ne sont là que pour indiquer que cette villa recèle les trésors les plus mystérieux, pour inciter les chercheurs éventuels à y exercer leur art. En fait, cette villa a tout d'une caverne d'Ali Baba. Merveilleuse découverte ! Qu'attend la police française pour y chercher des indices sur la mort de Robert Boulin ? Qu'attend le FBI pour y recueillir les noms des commanditaires de l'assassinat de John Kennedy ? Dire qu'il y a des imbéciles qui s'échinent à chercher les traces de l'origine de l'homme en Ethiopie. Qu'on les renvoie d'urgence à Abbottabad ! Qu'on y envoie également les malheureux qui s'évertuent à débusquer des traces de talent chez Bernard-Henri Lévy ou des indices de nature à accréditer l'idée saugrenue que Finkielkraut serait un vrai philosophe. On pourrait sans doute aussi y faire la chasse au cerveau disparu de Georges Bush qui remplacerait enfin la vulgaire contrefaçon chinoise qui en tient lieu depuis des décennies. A coup sûr, l'ombre d'intelligence dont la Fédération Française de Football a été dépouillée doit s'y trouver, de même que l'épave du Titanic, le secret des manuscrits de la Mer Morte, l'Atlantide, la formule du vaccin contre le SIDA, la fontaine de Jouvence, la pierre philosophale, un souffle d'air frais le 21 août à 14 heures sur une place de Mascara. Patience. Le Président Obama a choisi de distiller les découvertes avec parcimonie. Peut-être nous expliquera-t-il ce que sont devenus Guantanamo, l'Etat Palestinien promis...? Nous sommes suspendus à ses lèvres?