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Basse-cour

par Ali Brahimi

L’intitulé de l’article se réfère à la comparaison formulée, en 1959, par M. Michel Debré (1912-1995) alors Premier ministre, de la Ve République française, stipulant : «le coq français apprécie réchauffer ses ergots dans le Sahara algérien».

Peut-être qu’il voulait dire aussi : Se chauffer à l’œil avec du gaz Algérien. Et une autre gauloise : «La France, c‘est de Dunkerque à Tamanrasset». Et, également, les emportements lyriques des ténors de la gauche française attelée aux mirages de cette époque. A l’exemple de ceux manifestés par M. François Mitterrand (1916-1996), en tournée dans les Aurès au début de Novembre 1954, avisant les Fellagas ainsi désigne-t-on, à l’époque, les combattants de l’Algérie renaissante. L’ex ministre de l’intérieur de la IV République Française lançait son cocorico : «la France, elle est ici chez-elle». Et puis quoi encore… ? Passons !

 Ce dont il s’agit actuellement concerne les événements survenus, au Sahel Africain, autour du rapt de cinq ressortissants français, au Niger, fonctionnaires dans la société «Areva» mandatée d’exploiter des gisements d’Uranium utilisé depuis 1960, début de la période d’essais des explosions atomiques françaises dans le Sahara Algérien. Ces tests ont été codifiés en oiseaux bleu, blanc, rouge, etc.

 L’enlèvement de ces mineurs, a été revendiqué par Al-Kaida alias Al Qaida Maghreb Islamique, en représailles semble-t-il de l’intervention militaire mauritanienne au nord-ouest du Mali. Les kidnappés seraient actuellement, supposent les observateurs en la matière, à Timitrine au Mali justement. En effet, il fallait s’ y attendre à ce genre de réaction musclée des troupes de la soi-disant AQMI.

 C’est dans ce contexte embrouillé que M. Jean Pierre Chevènement, un homme de gauche mandaté par un président de droite, avait fait le déplacement à Alger. L’ex ministre Français de la défense, relativement informé de quelques points sensibles liés à la sécurité et la protection des intérêts français, se considère comme un ancien ami de l’Algérie d’avant et après l’indépendante et, de ce fait, affirme, d’après ses déclarations émises à la fin de sa visite, connaître les principaux dirigeants politiques algériens. En somme, que des allures déguisées et salamalecs chocolatés au… franco-suisse !

Alors, qu’au fond, cette visite a pour objectif principal de relancer, dans un autre cadre régional sécuritaire, l’organisation d’une rencontre d’urgence des Etats-majors militaires, des pays du Sahel, d’autant que le châssis existe déjà depuis la rencontre de Tamanrasset organisée sur initiative de l’Algérie anticipant ainsi ce genre de situation.

 Peu de temps après, le Chef d’Etat-major des Armées Algériennes, à l’occasion de la deuxième rencontre tenue cette semaine à Tamanrasset, a fait un exposé étoffé aux trois Chefs d’Etats-majors : Mali, Mauritanie, Niger ; afin d’accentuer la surveillance et de mieux maîtriser les données du territoire certes non aisé à contenir dans toutes ses dimensions. C’est pratiquement 20% du continent Africain. En ergs, regs, et dunes. Et d’embuscades !

 Ce qui permettrait de laisser supposer que la France n’hésiterait pas d’offrir ses services déjà sur place afin de renforcer, en moyens techniques d’investigations satellitaires et d’opérations terrestres en dépit des «réticences», ceux du Commandement Opérationnel Militaire des pays du Sahel ainsi coalisés contre le terrorisme en train de sillonner un vaste territoire. A l’image du criquet pèlerin (1) : une des plaies de l’Egypte pharaonique.

 En outre, la France Sarkozienne se retrouve, en plus des rapts de ses ressortissants, dans une conjoncture compliquée tant au plan du front social en bouillonnement continu que de celui économique en flottement énervant à plus d’un titre pour l’actuel gouvernement dont son chef, M François Fillon, semble s’en laver les mains ces derniers temps. Par dépit ! Aussi, les projets de loi, discutés au niveau de l’assemblée française ressemblant de plus en plus à une basse-cour, deviennent des machins alibis pour faire embrouiller d’autres réalités. A ce sujet, les dernières déclarations, de M. Fillon, reflètent ses «états d’âme» actuels. A l’image, d’ailleurs, de l’ensemble de ceux des pays de la rive nord de la Méditerranée.

A titre d’illustration, le déficit budgétaire français aurait atteint, d’après des estimations, plus de 90% du PIB alors que dans certains pays scandinaves il n’est que de 40%. Aussi, l’énergie nucléaire, dont la France y compte beaucoup dans ses relations de coopération commerciale, est, d’après ses coûts de mise en place, d’entretien, fonctionnement et de sécurité, au niveau des pays acquéreurs, confrontée à d’immenses difficultés en tous genres.

 A l’image d’autres initiatives liées a ses stratégies unionistes régionales. Sa dernière sortie, à l’occasion de la visite du président de l’Autorité palestinienne, reflété son «amertume» exprimée en déploration - un mot passe-partout - sur le non-respect par Israël du soi-disant processus de paix. Alors qu’il sait pertinemment que ce n’est pas la première fois qu’Israël s’en fiche, éperdument, et de ce processus et de la basse-cour de l’ONU. Ils savent ou se trouve la haute cour. Et ils s’adressent directement à elle.

 Le ministre des Affaires Etrangères Israéliennes, M. David Libermann, vient cette semaine de dire franchement à l’ONU, que le souci principal des israéliens n’est pas la réussite des négociations de paix avec les palestiniens, mais de faire face au danger Iranien. Ainsi la messe est dite. M Benyamin Netanyahu, récuse les dires de son Ministre. Un jeu subtil. En tout cas le message est transmis - et c’est ça l’essentiel pour les lobbys d’Israël - à la gouverne de qui de droit. MM David et Benyamin ont, en effet, l’habitude de jouer ensemble à la Bezga ! Alors pour la réussite du projet de l’Union pour la Méditerranée, il y a lieu de repasser.

 A ce propos, il est devenu hypothétique de faire décoller le projet de l’UPM avec des pays lesquels tous, tels qu’ils sont, traînent derrière eux des boulets dont l’économie rentière et le terrorisme pour les uns ; le farniente, démagogie et la non bonne gouvernance des territoires et des populations, pour les autres. Pour l’ensemble, ces fléaux se superposent et s’interagissent dans le temps et l’espace. Ajouter à ces aléas, celui des relations humaines sous influence des tempéraments différents dont l’âge des dirigeants de part et d’autre.

 Ainsi, le jeune président Français M. Nicolas Sarkozy imbu à l’excès, il ne pourrait aisément communiquer avec des présidents différents en termes d’âge et de tempérament mis à part quelques «exceptions» dont celui de la Mauritanie avec qui la France entretienne une coopération militaire accrue d’où le dernier coup d’Etat contre un processus démocratique prometteur et la dernière intervention militaire, aux impacts lamentables voire à effet boomerang, car apparemment conduite sans concertation avec ses partenaires du Sahel. Pour le Roi du Maroc et le président Egyptien, ils dépendent d’autres considérations aux yeux du président de France. En ce qui concerne le reste des dirigeants maghrébins, ils ont le niveau d’âge de son père et, donc, le courant non seulement ne passait pas mais provoquerait d’autres… courts-circuits !

 A propos des pères, lors de sa visite en Algérie fin 2008, il avait prononcé un discours à Constantine qu’il avait, au passage, sciemment comparé à… Jérusalem, pour mieux enfoncer le clou, tout en ajoutant : «je suis né en 1955, je ne sais rien de la guerre d’Algérie et encore moins de pouvoir juger ce qu’avaient fait nos pères et que les jeunes d’aujourd’hui veulent oublier et regarder l’avenir». Un lyrisme exprimé devant le Président de l’Algérie visiblement gêné voire interloqué, et ce, malgré toutes les circonspections protocolaires car, en principe, il connaît suffisamment ce qu’ont fait les pères de la France coloniale.

 Par conséquent, M. Nicolas Sarkozy, cet émigré de l’Europe de l’Est dont il traîne le «complexe du déplacé», exprimé dernièrement à l’encontre des Roms - nomades roumains -, il n’a cessé de cumuler les maladresses aussi bien au plan interne qu’externe. Et ce qui est sidérant, c’est que des gens, de la trempe de M. Chevènement, se mettent à son service. Certes, ils le font pour le seul intérêt de la sécurité des citoyens, de la République Française, mais tout de même

LA SECURITE DES PAYS DE LA RIVE NORD DE LA MEDITERRANEE PASSE PAR CELLE DES PAYS DE LA RIVE SUD

De par l’Histoire mouvementée, depuis des millénaires, entre les deux rives de la Méditerranée, peu de moments ont été vécus ensemble dans le respect mutuel et la concorde des intérêts. Aux temps actuels, d’autres aléas surviennent et prennent des allures plus inquiétantes que par le passé car c’est tout un cumul de frustrations subies, notamment, par les peuples de la rive sud et ceux situés à sa périphérie.

 La désertification, la pauvreté, la malnutrition, maladies, injustices, etc. ne cessent de progresser et engendrent donc toutes sortes de réactions des jeunes dont se mettre au service, aveuglement, du terrorisme générateur de «bienfaits», ainsi perçu, par rapport à leur situation précaire et malheureuse en tout point de vue. Le phénomène du terrorisme, conjugué à l’exclusion, procrée, par la force des choses, de terribles réactions manifestées par des actions et comportements suicidaires. Pour la rive nord, il y a d’autres phénomènes intégristes exprimés par les rejets de toute coexistence avec l’autre : « l’étranger». En effet, ces dernières années, l’extrême droite le fait savoir par des votes dans l’ensemble des pays Européens, évoluant de plus en plus vers l’extrême droite, notamment scandinaves représentant dans leur majorité plus de 30% de l’électorat et, donc, suscitent l’admiration de leurs semblables, en Europe du Sud.

 Ainsi, d’autres enjeux se placent entre les deux rives. Dont les manipulations des groupes terroristes pour des intérêts géoéconomiques. Dans la région du Sahel, il semblerait bien que l’Uranium est en train d’inaugure une ère de turbulences dans ce sens. Afin d’éviter les grandes dérives, des enjeux et défis, il est devenu manifeste, de par ce qui se passe actuellement en terme de gouvernance fragilisée et précaire à l’extrême sud des pays du Maghreb, de concevoir d’autres regroupements géostratégiques, notamment environnementaux liés à l’économique, tout en sachant la divergence d’intérêts des uns et des autres.

 En effet, l’occupation physique, des territoires sahariens, est devenue un passage obligé notamment pour les pays devenus perméables à touts sortes de traites et de nuisances liées, pour leur plupart, à l’Histoire coloniale et les nouvelles visions élitistes attachées, contre vents et marées, au Capital, et qui sont disposées à utiliser tous les moyens afin d’atteindre leur but. Y compris par le chantage conjugué au passé, le présent et dans le futur !

LE PROCÈS DU PASSE COLONIAL DE LA France NE RELEVE PAS DES ELUS ACTUELS MAIS DES ELITES

SINCERES D’AVENIR

En effet, cela relève, insistons-nous d’accentuer, exclusivement de ses élites profondément conscientes de leur rôle et agissantes, effectivement, pour le seul intérêt de l’avenir de leurs peuples. Et, surtout, qui se soumettent qu’à leur honnêteté et conscience. Par ailleurs, l’incompréhension entre l’Algérie et la France, au cours de leurs parcours respectifs, depuis 1962, ne devrait pas constituer un obstacle pour le renforcement des liens afin de lutter, par exemple, contre le terrorisme, ses causes et impacts, dans un cadre régional voire intercontinental mieux organisé qu’actuellement. Toutefois, la coopération sécuritaire de la France avec les pays limitrophes au Sahel, et notamment avec l’Algérie, passe par voie de conséquence logique avec l’assainissement des contentieux liés à l’occupation et séquelles coloniales.

 A ce sujet, le projet de loi incriminant le passé colonial, en réponse à celle adoptée par les députés français le glorifiant, et selon le président de la Chambre basse Algérienne stipulant qu’elle est reportée sans autre indication, et ce, contre toute logique institutionnelle. En outre, les quelques explications avancées n’éclairent en rien ni le processus menant à ce refus, ni l’exposé des objectifs et motifs ayant mené à la proposition de cette loi. Pourtant, au départ, c’est une initiative des «héritiers» du prestigieux FLN parrainé par tous les successifs présidents de la République depuis 1962. En fait, une symbiose existentielle et, par voie de conséquence, versatile et opportuniste.

Machiavel disait, en substance, qu’en politique il est essentiel d’avoir une mémoire d’éléphant. Le tonitruant ministre Français des Affaires Etrangères, M. Bernard Kouchner, avait déclaré avec assurance, dés le début de cette proposition de loi, que c’est l’exécutif qui est le maître à bord en Algérie. Tout le reste, c’est du blabla voulait-il laissé entendre. Malheureusement il disait vrai d’autant que les gens le savaient déjà depuis belle lurette.

 Ce qui est vraiment énervant, voire révoltant, c’est que des fondations et associations prestigieuses ainsi perçues aux yeux de l’opinion publique et soi-disant fidèles, aux principes de la Révolution Novembriste, avaient montré leur opposition au dit projet de loi. Ainsi, il existe bel et bien des défenseurs de la mémoire à sens unique. Pouah !

 Qu’importe, puisque le jugement de l’Histoire poursuivra son cours jusqu’au bout, en dépit de tous les écueils et bruits de basse-cour ainsi que des coups bas. Y compris à huis clos. En présence, cependant, d’un jury exclusif élargi aux Elites sincères qui prononceraient tôt ou tard le dernier verdict. Inéluctablement !!!

Note :

(1) En 1988, notre pays a été envahi par les sauterelles. En tant que responsable du poste de commandement de la lutte antiacridienne de la wilaya de M’sila, j’avais reçu un ordre du Wali de l’époque pour ne pas laisser les essaims de criquets envahir la Wilaya de Bordj Bou Arreridj, limitrophe au nord, car son Wali lui avait fait remarquer que les nuées de Shistocerca grégaria (criquet migrateur) viennent de M’sila. Alors, sans aucune hésitation, je répondis : « M. le Wali, comment le sait-il ? Est-ce que sur les ailes des criquets, il aurait vu le chiffre 28 - code de la wilaya de M’sila - ?». Amusé, le Wali de M’sila communique la boutade à celui de BBA. Morale de l’Histoire : Comme son nom l’indique, le criquet migrateur traverse des pays voire des continents. Et le circonscrire à une seule contrée voire l’Algérie, un continent et plus, c’est de la cécité de l’esprit.