Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Gangs des cités ! : Comment les réduire ou, pour le moins, limiter leur nuisance ?

par Cherif Ali

Le phénomène des gangs dans les quartiers a toujours existé mais pas avec l'ampleur atteinte ces derniers temps !

Aujourd'hui plus que jamais, les incivilités, déviances et violences urbaines contre les personnes et les biens sont au cœur de l'actualité de notre pays !

Dans les quartiers et les cités, les violences, lancées telles des expéditions punitives par des repris de justice, finissent inéluctablement dans le sang. Le fléau touche notamment les nouvelles cités où des bandes principalement des dealers et trafiquants de drogues imposent leur diktat.

Des phénomènes qui vont croissant avec l'urbanisation accélérée et le relogement d'habitants venus d'horizons diverses mais dont l'incompatibilité à vivre ensemble apparaît au grand jour.

Ce type de violences, en milieu urbain, avait fait l'objet d'un débat organisé par l'Association de protection des mineurs de la délinquance et d'insertion au sein de la société (APMDIS), à Alger.

Les experts ayant animé cette conférence ont été unanimes sur le fait que l'apparition de nouvelles cités représente des foyers potentiels de prolifération de la violence, notamment parmi les mineurs.

Les incidents enregistrés dans certains grands ensembles d'habitat ne sont pas des actes isolés, car ils peuvent être assimilés à un phénomène de violence et le gouvernement doit leur accorder une importance cruciale.

Ils ont tendance à se multiplier au grand dam des habitants des cités populaires et des quartiers du même nom qui n'en peuvent mais.

Un gang, par exemple, qui semait la terreur dans la circonscription de Bab El Oued a été démantelé au début du mois de mai par les services de la police. Huit individus ont été écroués et un lot impressionnant d'armes blanches et de quantités de drogue a été récupéré.

En mars dernier, c'est dans la commune de Saoula, dans la banlieue sud d'Alger, qu'une bande de malfaiteurs a été mise hors d'état de nuire. Composé d'individus âgés entre 20 et 30 ans et dont certains sont des repris de justice, ce réseau criminel faisait dans le trafic de stupéfiants et le vol de magasins et habitations.

Les opérations de démantèlement comme celles-ci sont de plus en plus nombreuses, notamment dans les grands centres urbains où la criminalité a bondi ces dernières années.

Comme fait illustratif de l'aggravation de la violence qui affecte plus particulièrement les villes, il y a eu l'attaque perpétrée le 9 mars dernier en plein jour contre la sûreté urbaine de Sidi Salem, dans la wilaya de Annaba.

S'en prendre à un commissariat de police qui incarne la puissance publique, c'est franchir un nouveau cap dans la violence !

DROGUE ET VIOLENCE

Il est établi qu'il y a un lien entre la perpétration d'actes de violence et le trafic de substances psychoactives !

Selon les experts, cette relation n'est pas forcément à rechercher dans les propriétés pharmacologiques de la substance consommée mais plutôt dans le besoin puissant et urgent à l'acquérir par tous les moyens. Le lien entre la violence urbaine et la drogue se trouve également dans la « dispute» des territoires par les réseaux de trafic.

En effet, les bandes criminelles qui se livrent à ce commerce illicite règlent souvent leurs différends par des procédés violents. Ces gangs qui se sont fortement développés ces dernières années cherchent à protéger leur « commerce» par des méthodes musclées, allant jusqu'à semer la terreur au sein de la population.

Pour faire face à ce fléau, il faut une bien plus large implication de tous les animateurs de la société civile. Même le Chef d'état-major de l'ANP, le général d'armée Saïd Chanegriha, «a interpellé récemment l'ensemble des acteurs sur la scène nationale, parents, hommes de média, écoles et mosquées y compris, pour s'engager dans cette noble bataille, à travers, notamment, l'intensification des campagnes de sensibilisation envers les jeunes sur les dangers de la consommation de ces poisons».

Pour l'heure, on parle d'une nouvelle gouvernance locale !

De grands ensembles d'habitat ont été livrés à des populations qui doivent s'habituer au «vivre ensemble»; cela ne se fait pas sans quelques frictions.

On parle aussi de mieux organiser et de mieux répartir les missions des forces de l'ordre, ce qui suppose la mise en place de moyens additionnels, notamment en matière de sécurité publique.

On a parlé aussi d'une police communale !

D'anciens responsables avaient mis le sujet sur la table.

L'idée n'est pas nouvelle, dès lors qu'un projet de mise en place d'une police communale dont la colonne vertébrale pourrait être formée par les éléments de la garde communale, particulièrement ceux stationnés dans les zones qui ne sont plus sous la menace du terrorisme, était dans l'air.

Il s'agit, particulièrement et surtout, des grandes villes et des principaux centres urbains du pays.

Seulement, faut-il le dire, beaucoup de responsables étaient contre l'idée de reconversion de la garde communale en police communale !

Les motifs avancés tenaient du faible niveau d'instruction de ses agents et de leur formation, ignorant que ce corps regroupait en son sein quelque 5.000 agents, tous détenteurs de licences universitaires et de surcroît, formés au maniement des armes et aux techniques de combat.

La police communale qui, sans être un organe répressif, pourrait si le projet venait à être concrétisé, remplir le rôle d'une police de proximité appelée à veiller sur les citoyens :

? pour rassurer la population;

? gérer les litiges du quartier;

? permettre au président d'APC de faire exécuter les arrêtés qu'il prend en matière d'urbanisme ou de protection de l'environnement.

Elle pourrait, également, s'articuler, dans un premier temps, autour de quatre grandes missions :

1. rassembler des informations susceptibles d'endiguer certains problèmes, détecter les nids criminogènes, ainsi que les personnes à risque ou celles en danger;

2. intervenir dans les conflits de voisinage, par exemple, pour les résoudre grâce au dialogue et à la médiation et éviter, ainsi, qu'ils ne dégénèrent;

3. être le relais entre la population, le maire et les forces de sécurité;

4. agir sur le préventif, le social et la tranquillité publique.

D'un point de vue sémantique, la notion de police communale a du sens, puisqu'elle recouvre la réalité du terrain, celui de la commune principalement.

D'un point de vue plus stratégique, sa mise en place soulève toutefois les questions cruciales de la doctrine d'emploi, de la spécificité des missions assurées dans la coproduction de la sécurité locale et, inévitablement, les problèmes de l'uniforme et de l'armement, sans compter les dotations budgétaires qu'il faudrait débloquer en ces temps de crise.

En d'autres termes, il ne s'agit pas de « créer » une police communale, mais de «définir» son statut :

1. police du maire, son «bras armé», s'empressent de dire ceux qui craignent une utilisation «abusive» de cette force de sécurité par les édiles locaux;

2. police placée sous la tutelle directe du ministre de l'Intérieur.

Dans la première hypothèse, il faudrait, inévitablement, prévoir l'amendement de l'article 93 du code communal avec toutes les réactions en chaîne qui en découleraient.

Et même si on venait, en haut lieu, à les régler, il subsisterait, encore, les questions relatives à l'armement, l'uniforme, le volet de la formation ainsi que les rapports de cette police avec les autres forces de sécurité.

Et parmi les autres questions qu'il faudrait trancher, il y a la dotation en armes, dont certains experts en sécurité affirment que c'est un moyen de protection indispensable face aux risques du métier, dès lors qu'il ne diffère pas, fondamentalement, de celui de la police ou celui de la Gendarmerie nationale.

D'autres, en revanche, considèrent que ce n'est pas un gage de sécurité absolue et craignent que cela n'encourage une confusion des rôles avec les forces de sécurité classiques.

Il faut aussi s'assurer de l'accord de principe de la DGSN dès lors que la police communale et la police nationale font partie d'un même «creuset».

Mais pourquoi s'entêter, disent certains, à monter une police communale qui ne peut, en l'état des difficultés énumérées supra, trouver sa place dans le paysage sécuritaire, jusque-là occupé intra-muros par la police nationale et extra-muros par la gendarmerie ?

A moins de clarifier la doctrine d'emploi de cette police communale, en dehors des missions de «prévention et répression» qui sont la raison d'être des forces de sécurité classiques.

Il reste bien entendu que le recours à la force doit rester du domaine de l'État, et en conséquence, seule la police nationale et la gendarmerie doivent être armées.

Et il n'est surtout pas question d'abandonner des espaces et des ensembles d'habitat ou des territoires isolés aux gangs et aux voyous !

Récemment, la police a mis fin à l'activité d'un gang des cités qui activait au niveau de la commune de Bologhine (Alger), a annoncé la sûreté de la wilaya d'Alger dans un communiqué publié ce lundi 8 mai.

Qu'on se souvienne aussi de ces jeunes habitant la région de Bouchaoui, à Alger, qui, munis de bâtons et parfois même de sabres comme le montrent des images diffusées sur les réseaux sociaux, ont dressé un barrage à l'entrée de la forêt où des familles ont l'habitude de passer des moments de détente; ces nouveaux pasdarans se sont permis d'interdire l'accès à des couples.

Des scènes qui rappellent la «police des mœurs» créée au début des années 1990 par l'ex-FIS dissous !

De ce qui précède, un débat sur la nécessité ou pas d'une police communale s'impose dès lors qu'il est admis qu'il existe encore de larges portions du territoire national que les forces classiques de sécurité publique peinent à couvrir en permanence, nonobstant leurs incessantes rondes : grands ensembles d'habitats, écoles publiques et stades par exemple.

Sans oublier les hôpitaux, les structures sanitaires et les établissements de l'éducation nationale de l'Algérie profonde, qui font l'actualité aujourd'hui !

Devenues monnaie courante, notamment depuis la propagation de la pandémie de la Covid-19, les agressions et les violences contre le personnel médical, paramédical et gestionnaires des établissements de santé, sont désormais condamnables.

En tant que personne, que citoyen et président, cela me peine que des médecins et des infirmiers, qui n'ont pas vu leurs enfants depuis des mois, soient victimes d'agressions, avait déclaré le président de la République qui est plus que jamais décidé à mettre en œuvre son 54e engagement électoral : garantir la sécurité du citoyen et des biens publics et privés !

Qualifiant ces personnels de «véritables moudjahidine», Abdelmadjid Tebboune a commencé par durcir les peines de leurs agresseurs, c'est un début, en attendant la suite, et pourquoi pas la mise en place d'une police communale de proximité pour «se réapproprier les espaces perdus de la République».

Il a fait état d'un durcissement des sanctions contre les agresseurs des staffs médicaux dans les hôpitaux, «et ce, en vertu d'une ordonnance présidentielle ayant force de loi».

Les cris de détresse des familles des victimes, les souffrances des citoyens des cités qui subissent le diktat des gangs rendent nécessaire une riposte ferme et surtout une thérapie de choc aux raisons qui ont donné lieu à cette criminalité qui menace ouvertement la cohésion de la société !