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Drame de Melilla: Le Maroc tente une diversion, Alger répond

par R. N.

A défaut d'assumer les faits et de répondre aux demandes d'enquêtes, émanant de l'Union africaine (UA) et de l'ONU, suite à la mort d'au moins 23 personnes parmi près de 2.000 migrants subsahariens lors d'une tentative d'entrée, vendredi dernier, à Melilla, le Maroc tente une diversion.

Selon le quotidien Echourouk, citant des médias espagnols, l'ambassade du Maroc à Madrid a affirmé, dans un communiqué, que ces migrants «entraînés» sont entrés au Maroc par la frontière avec l'Algérie pour «organiser des tentatives de passage de migrants vers Melilla». «La violence excessive des assaillants indique un haut niveau d'organisation, des dirigeants expérimentés et formés ayant une expérience dans les zones de conflit», ajoute le communiqué de l'ambassade du Maroc cité par Echourouk.

Le journal rapporte également la réponse du diplomate algérien Amar Belani, envoyé spécial chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb, aux accusations marocaines. M. Belani affirme que «le régime marocain n'a pas le courage de supporter la honte, il est donc toujours à la recherche d'un bouc émissaire pour échapper à la responsabilité».

Ajoutant que «Rabat devrait admettre sa fausse régularisation de la situation des migrants des pays du Sahel, au lieu de jeter des pierres de manière malhonnête sur ses voisins». Le diplomate algérien a également rappelé, selon la même source, des incidents antérieurs au cours desquels le régime marocain a utilisé des migrants «pour intimider les pays du sud de l'Europe, en particulier l'Espagne, en augmentant le risque d'être inondés de migrants, afin d'obtenir en retour un soutien diplomatique et des subventions financières de la part de l'Union européenne».

Interrogé sur les allégations de l'ambassade du Maroc à Madrid concernant ce qu'elle a qualifié de «laxisme délibéré» à la frontière algérienne, Amar Belani rappelle que «les frontières de l'Algérie sont entièrement sécurisées, pour contrecarrer les tentatives d'introduction de drogue du Maroc, qui mène une véritable agression contre notre pays».

Après l'UA, l'ONU demande une enquête

Ainsi, après le président de la Commission de l'Union africaine (UA), l'ONU a réclamé hier, par la voix d'une porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l'homme, l'ouverture d'une «enquête indépendante» après la sanglante tentative de passage en force de migrants dans l'enclave espagnole de Melilla depuis le Maroc.

«Nous appelons les deux pays à garantir la tenue d'une enquête efficace et indépendante, première étape pour déterminer les circonstances dans lesquelles il y a eu des morts et des blessés ainsi que toutes les responsabilités éventuelles», a déclaré à Genève une porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani.

Pour rappel, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a dénoncé «le traitement violent et dégradant de migrants africains» par les forces de sécurité marocaines et réclamé une enquête sur ce drame. «Je suis profondément choqué et préoccupé face au traitement violent et dégradant des migrants africains qui tentaient de franchir une frontière internationale du Maroc vers l'Espagne, avec la violence qui s'ensuit entraînant la mort d'au moins 23 personnes et de nombreux blessés», a indiqué Moussa Faki dans un communiqué publié sur le site de l'UA. M. Faki a appelé à une «enquête immédiate» et a rappelé «à tous les pays leurs obligations en vertu du droit international de traiter tous les migrants avec dignité et de donner la priorité à leur sécurité et à leurs droits humains, tout en s'abstenant de recourir à une force excessive», a-t-il ajouté.

Samedi dernier, le président de la section de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Nador, Mohamed Amine Abidar, a aussi appelé à «l'ouverture d'une enquête rapide et transparente».