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Faute de pain, nous mangerons des gâteaux !

par El-Houari Dilmi

«Le ministère du Commerce est tenu de réagir au plus tôt contre la hausse des prix», a tonné, samedi, le président Tebboune à l'occasion du conclave tenu avec les walis de la République. C'est que l'effroyable dégradation du pouvoir d'achat des Algériens, combiné au renchérissement rédhibitoire des produits alimentaires de première nécessité, place le gouvernement sur la corde raide. Même si l'augmentation des salaires a été évoquée par le Premier ministre, sans donner de détails, l'on n'est pas loin de décréter l'état d'urgence stomacal, tant de larges couches d'Algériens n'arrivent plus à assurer les deux repas quotidiens à leurs enfants. Et avec une rentrée scolaire qui a déjà essoré les poches des chefs de famille, le dilemme cornélien, aujourd'hui, est de choisir entre le pain quotidien et le cartable. Ici, scénario-catastrophe du village de Sidi Djiâane, victime du plus terrible des complots jamais ourdi par aucune main étrangère : une pénurie de pomme de terre, voulue par le peuple des ventripotents contre le peuple des ventres creux. Un jour ordinaire, correspondant au pénultième jour de l'année du calendrier lunaire, le village de Sidi Djiâane se réveilla sans aucun tubercule à dix kilomètres à la ronde. Et pour éviter que leurs marmailles ne meurent sous leurs yeux exorbités du plus trivial des trépas, les villageois décidèrent de brûler toutes les terres fertiles pour éviter que les champs maraîchers arrosés de leur sueur trop froide ne soient transformés en des pommes de terre sucrées, mangées crues par des gens, vivant sur les hauteurs inexpugnables du pays, et qui n'attendent jamais d'avoir faim pour ouvrir leurs estomacs aux quatre vents. Démarrant du principe suicidaire que le meilleur moyen d'«éduquer» un peuple, c'est de le priver de son pain bénit, on décida de fermer toutes les boutiques de tous les légumiers du pays et les remplacer par des bons de rationnement à ne distribuer qu'à ceux qui ne veulent plus manger de gâteaux avec un morceau de pain blanc en guise de dessert facultatif. L'histoire dira, ensuite, qu'à raison de mille et une bouches nourries par chaque légumier, cela fait quarante millions d'Algériens menacés de famine. Une horreur absolue. Pire qu'une guerre civile ou qu'une arme dite «sale», le pays sera mis en situation de danger tel que tous les légumiers «légaux», encore en activité, seront tous placés en liberté surveillée et n'auront droit à retirer leurs mains empâtées du pétrin de leur vie que le temps trop court de manger de petites miettes rassises, tombées de la table géante des mangeurs de destins castrés et des dévoreurs de vocations détournées.