«Le
ministère du Commerce est tenu de réagir au plus tôt contre la hausse des
prix», a tonné, samedi, le président Tebboune à
l'occasion du conclave tenu avec les walis de la République. C'est que
l'effroyable dégradation du pouvoir d'achat des Algériens, combiné au
renchérissement rédhibitoire des produits alimentaires de première nécessité,
place le gouvernement sur la corde raide. Même si l'augmentation des salaires a
été évoquée par le Premier ministre, sans donner de détails, l'on n'est pas
loin de décréter l'état d'urgence stomacal, tant de larges couches d'Algériens
n'arrivent plus à assurer les deux repas quotidiens à leurs enfants. Et avec
une rentrée scolaire qui a déjà essoré les poches des chefs de famille, le
dilemme cornélien, aujourd'hui, est de choisir entre le pain quotidien et le
cartable. Ici, scénario-catastrophe du village de Sidi Djiâane,
victime du plus terrible des complots jamais ourdi par aucune main étrangère :
une pénurie de pomme de terre, voulue par le peuple des ventripotents contre le
peuple des ventres creux. Un jour ordinaire, correspondant au pénultième jour
de l'année du calendrier lunaire, le village de Sidi Djiâane
se réveilla sans aucun tubercule à dix kilomètres à la ronde. Et pour éviter
que leurs marmailles ne meurent sous leurs yeux exorbités du plus trivial des
trépas, les villageois décidèrent de brûler toutes les terres fertiles pour
éviter que les champs maraîchers arrosés de leur sueur trop froide ne soient
transformés en des pommes de terre sucrées, mangées crues par des gens, vivant
sur les hauteurs inexpugnables du pays, et qui n'attendent jamais d'avoir faim
pour ouvrir leurs estomacs aux quatre vents. Démarrant du principe suicidaire
que le meilleur moyen d'«éduquer» un peuple, c'est de le priver de son pain
bénit, on décida de fermer toutes les boutiques de tous les légumiers du pays
et les remplacer par des bons de rationnement à ne distribuer qu'à ceux qui ne veulent
plus manger de gâteaux avec un morceau de pain blanc en guise de dessert
facultatif. L'histoire dira, ensuite, qu'à raison de mille et une bouches
nourries par chaque légumier, cela fait quarante millions d'Algériens menacés
de famine. Une horreur absolue. Pire qu'une guerre civile ou qu'une arme dite
«sale», le pays sera mis en situation de danger tel que tous les légumiers
«légaux», encore en activité, seront tous placés en liberté surveillée et
n'auront droit à retirer leurs mains empâtées du pétrin de leur vie que le
temps trop court de manger de petites miettes rassises, tombées de la table
géante des mangeurs de destins castrés et des dévoreurs de vocations
détournées.