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Crise sanitaire communication et erreurs d'appréciation

par Ghania Oukazi

La crise sanitaire a mis à nu d'énormes contradictions entre l'ensemble des responsables chargés de programmer une campagne de vaccination censée contribuer à la baisse des contaminations et des décès provoqués par la Covid-19.

Des «10 à 15 jours» fixés le 13 décembre dernier par le président de la République à la commission Larba pour élaborer la nouvelle loi électorale aux «72 heures, demain ou après demain» annoncés le 11 janvier dernier par le porte-parole du Comité scientifique de suivi de la pandémie du Covid-19 pour l'acquisition par l'Algérie du vaccin russe Spoutnik Victory, l'on constate que les autorités publiques se perdent en conjectures sur des questions d'importance cruciale pour le pays. Il est vrai que tous les Etats ont été pris de cours par une pandémie qui ne ressemble à aucune autre survenue dans l'histoire de l'humanité. Le monde entier manque de visibilité pour pouvoir contenir un virus dont les conséquences sur le quotidien des populations sont désastreuses. A la différence qu'au plan national, la gouvernance n'obéit à aucune norme pendant que le pouvoir, manquant du sens de la prospective la plus simple, se fixe sur des contingences. Preuve en est, rien ne se fait dans le temps qu'il lui est imparti officiellement.

Ni les délais fixés par le président de la République, encore moins ceux avancés par le Dr Fourar ne sont respectés par aucune instance gouvernementale ou subalterne publique. Pis, c'est la suffisance qui couronne le tout. L'on ne peut que s'étonner du justificatif avancé par les responsables du secteur de la santé pour expliquer la bévue des «72h» commise par le porte-parole du Comité scientifique et directeur général de la prévention au ministère de la Santé. Ils l'ont défendu par l'emploi de «erroné», ou de «mal interprété» pour juger les réactions des médias à ce propos. Pourtant la phrase du Dr Fourar était claire. Il aurait été plus intelligent pour ses défenseurs de prétexter des problèmes logistiques de dernière minute que de défendre l'indéfendable. Le secteur de la santé n'est pas au bout de ses «peines» médiatiques.

La mauvaise concurrence

Hier, le président de l'Agence nationale pour la sécurité sanitaire, le Professeur Kamel Senhadji, n'a pas hésité à remettre en cause des décisions importantes prises par la tutelle. Il a tiré une alarme stridente en déclarant à la radio publique qu' «on est en situation d'urgence, on est en danger». Contrairement aux responsables de la santé qui en défendent le principe, il a clairement affirmé qu'il était contre la diversification des vaccins anti-Covid-19. «On serait d'accord si la situation était autre mais aujourd'hui, choisir un seul vaccin, c'est mieux parce que le volet logistique sera facile à assurer et le rythme de vaccination sera accéléré», a-t-il dit. Il estime que «la peur de la vaccination est devenue plus grande que la peur du virus». En parallèle des institutions du ministère de la Santé qui disent en avoir étudié 10, Senhadji a fait savoir que l'agence qu'il préside l'a fait pour 8 vaccins et a prévenu, selon lui, «sur les moyens de leur acquisition et de leur conditionnement». Le président de l'ANSS a déploré le manque de coordination et de concertation entre l'ensemble des structures chargées de la santé. «Chaque structure travaille seule, certaines ont des données importantes sur les épidémies mais les laissent dans les archives, c'est un blasphème (hram) !» s'est-il exclamé. Il a expliqué que l'ANSS a désormais des prérogatives qui vont bien au-delà des hôpitaux. «Elle assure l'expérience scientifique et la veille en prévision de tous les dangers (?) provenant de tout ce qui concerne la santé (eau, air, médicaments?), tout ce que nous consommons», a-t-il indiqué. Senhadji attire l'attention sur «ces produits toxiques qui se vendent dans les commerces, ils doivent être interdits, l'agence a la prérogative de s'assurer de toutes les normes». Cette mauvaise concurrence dans un domaine d'ordre vital ou ces élucubrations à l'image des oui-non hésitants et indéfinis du ministre de l'Industrie à propos de l'importation par l'Algérie de voitures neuves ou de moins de 3 ans laissent pantois.

Quand la communication officielle brouille les messages

Ces cas devenus légion chez les gouvernants algériens mesurent l'ampleur des tâtonnements et des tergiversations dans une conjoncture qui exige compétence, intelligence et perspicacité. S'il est admis que des responsables éprouvent des difficultés à apprécier la faisabilité de dossiers qui leur font peur parce qu'ils ont servi à enfoncer ceux qui les ont gérés avant eux dans un cycle infernal de règlements de comptes, ils devraient au moins s'abstenir de divaguer sur des questions d'importance cruciale pour le pays et les populations. Les actions de protestation à l'exemple de l'attroupement survenu samedi dernier sur la voie publique, dans les environs de Bouchaoui à l'ouest d'Alger, rappellent de mauvais souvenirs. Des pneus brûlés et des jets de pierre sur des édifices publics ne promettent rien de bon.

Les manœuvres militaires engagées dimanche par les troupes de l'ANP dans la 3ème région militaire rappellent elles aussi que l'Algérie est cernée par des guerres fomentées de l'extérieur pour déstabiliser la région. La télévision publique a choisi hier de braquer la caméra de son journal télévisé pendant un long quart d'heure sur ces chars blindés, ces avions de chasse, ces lance-missiles qui «intervenaient» en plein désert béchari? Autant d'enjeux et de dangers qui menacent le pays ne doivent permettre aucune erreur d'appréciation officielle. Les nombreuses maladresses de la communication officielle risquent de brouiller les messages les plus importants et contredire les objectifs les plus pressants.