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Chômage et système «D»

par Abdelkrim Zerzouri

En affirmant que les pertes d'emplois dues à la crise sanitaire frôlent le demi-million, sans se référer à aucune étude sérieuse ou autres données statistiques pouvant corroborer ses dires, le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective, Mohamed Cherif Benmihoub, n'a-t-il pas tiré une conclusion hâtive avant d'avoir sous la main l'évaluation de l'impact réel de la crise sanitaire sur les ménages et sur les entreprises ? Le même responsable devait indiquer dans ce contexte qu'une enquête lancée par le gouvernement donnerait ses premiers résultats à la mi-janvier. Et le chiffre des pertes d'emplois avancé est plus embrouillé encore quand le ministre, lui-même, avoue que le gouvernement s'est jusque-là basé sur des données manquant de précision, d'où l'urgence de cette étude ou enquête qui concernera un échantillon 15.000 ménages et 15.000 entreprises, afin de déterminer l'impact de la crise sanitaire, et qui sera conduite en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (UN-CEA). Il est clair que les mesures prises dans le cadre de la limitation de la propagation de la Covid-19, qui a paralysé plusieurs activités dans les secteurs des services et du commerce notamment, en sus du BTPH qui a entraîné également la mise en berne de nombreuses activités connexes, ont fait grimper le taux de chômage, mais jusqu'à quel niveau, nul ne le sait. Encore faudrait-il avoir le taux réel de chômage en temps normal. Bien malin celui qui pourrait avancer avec certitude le taux de chômage dans un environnement dominé par l'informel et la cohorte de «chômeurs de luxe » qu'il fabrique. Même durant cette crise sanitaire, qui a contribué à la précarisation de l'emploi, l'ingénieux système «D» algérien a fonctionné à merveille. Faut-il se l'avouer, contournant l'interdit, les cafetiers ont bien continué à servir le café en pot, prêt à emporter, sous les rideaux, et les taxieurs réguliers long trajet, ou inter-wilayas, se sont transformés en «taxi clandestin» et ont continué à transporter les voyageurs, chèrement, d'un point à l'extrême du pays, et d'autres commerçants ont découvert les vertus du e-commerce et continuer à écouler leurs marchandises sur un mur du réseau social facebook. En l'absence d'une indemnité chômage, il fallait bien manger à sa faim, sans attendre infiniment de toucher cette maigre indemnité octroyée par les pouvoirs publics aux personnes durement touchées par le confinement. En somme, le souci des emplois perdus dans la restauration, le transport et certaines autres activités commerciales, récupérables après la victoire annoncée sur la Covid-19, grâce à la disponibilité du vaccin, est mineur face à l'urgence de l'heure, qui est de sauver les entreprises en difficulté financière d'une faillite définitive, et leur éviter de mettre sur le carreau des milliers de travailleurs. Et ce ne sont pas les différés du paiement des impôts et autres charges sociales qui viendraient en aide à ces entreprises, qui ont plus besoin d'argent frais pour relancer leurs activités et contribuer à la sauvegarde de l'économie nationale.