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Une absence et des interrogations

par El Yazid Dib

L'absence prolongée du Président ne cesse de provoquer des inquiétudes. Des rumeurs aux fake-news ; le manque d'information officielle n'a fait que surenchérir toute communication. Si la maladie d'un Président est une chose ordinaire, son absence d'information est une anomalie.

Hamdoulillah, l'homme, le père de famille, le citoyen Abdelmadjid -rabi yachfihayant quitté l'hôpital « va renter au pays dans les prochain jours ». Ceci était le dernier communiqué de la présidence. Qui en était derrière sa rédaction ? A combien de jours s'évalue « les prochains jours »? Autant de questionnements qui auraient fait gagner plus de crédit à se voir satisfaits par une précision de réponse. Mais le Président de ce même pays est toujours absent, invisible, aphone en corps, en vocal et en photos.

Cette absence à amplifié soit l'intox, soit une position sournoisement affichée chez le monde extérieur proche à l'Algérie. Elle a nourri les suspicions les plus indésirables pour le peuple en suggérant les meilleures voies de la bonne compréhension de la situation. Une clarté sans gêne, fidèle et fard ni langue de bois aurait suffit à aplatir les desseins fallacieux ou l'euphorie mal placée. Tebboune est une personne, qui n'est à l' abri d'aucune maladie ni handicap, mortelle comme toute autre. Président qu'il est, il incarne une institution censée être pérenne, viable, debout et agissante.

Chaque avis tente de passer pour une information véridique. Cette absence qui est d'ailleurs officiellement établie en sa phase de « congé de maladie » est depuis son début sujet à interprétation. Le parallèle avec une même expérience de la même intensité et du même degré est vite tracé dans un rapport avec l'ancien chef d'Etat. Bouteflika absent était devenue une situation normale. Une gestion à coup de messages était fortement entretenue par de lourds medias et corroborée par des ministres et des segments de la société civile. Le pays souffrant le silence ne semblait pas se contenter d'un cadre ou d'un portrait. En fin de calvaire, le peuple ne voulant plus d'une façade moribonde, cria une douleur nationale et arriva triomphalement à rompre le rideau de fer, la loi du silence et déboutonna toutes les fausses amours. L'espoir d'une « Algérie nouvelle » s'est pointé au lendemain d'un 22 février pour être vite éclipsé dans des inerties renouvelables et écrasé dans des parodies que la persistance d'un retour aux feintes vécues en a profondément découragé. Ce mouvement populaire aspirait à la construction d'un Etat sans pression ni émotion, juste un Etat juste et fort. Et voilà que la pratique de l'Etat honni et vomi hier semble s'installer aujourd'hui dans la moelle de l'Etat souhaité. Ce qui manque a la frêle idée de cette Algérie nouvelle, outre la détermination radicale d'en finir avec « l'ancienne » ; ce sont de nouveaux hommes. Des hommes d'État et non des hommes fonctionnaires, hommes de pouvoir.

Quand il n'y a rien à dire qui puisse toutefois déranger les grands secrets d'Etat, si c'en est le cas ; il suffit à une moitié de vérité d'être dévoilée et permettre à quiconque de pouvoir déchiffrer l'autre moitié. Cela se passe dans des pays où la notion de l'Etat n'est pas celle que se partage tout le monde. Une sorte de domination paternaliste et tutélaire sur l'ensemble des corps sociaux. Dans ces pays là l'Etat c'est le pouvoir en place, celui de l'instant. Dans ces pays là , la santé d'un Président n'est pas un devoir éthique respectueux du droit à l'information mais fait partie des coulisses de chapelles, voire secret défense. Samedi passé, Joe Biden à eu une entorse au pied. On a parlé de foulure, de déchirure musculaire. On est allé jusqu'à détailler le point exact incriminé dans la cheville. C'est dire qu'il n'est pas encore Président en exercice. Alors sil en était, qu'aurions-nous su ? On ne s'est pas contenté de se limiter à des flashs laconiques type « il poursuit son protocole médical et la situation n'appelle nulle inquiétude »

Un problème sérieux s'érige cependant dans l'officialité de la source qui doit fournir l'information. Personne n'est habileté par supposition à le faire sans l'acquiescement du Président. Son absence à donc fait retenir dans le mutisme tout le monde parmi la sphère dirigeante. Ni le chef d'État-major, ni le parlement ni le gouvernement ont ce droit de discuter l'état de santé du Président. C'est à l'équipe médicale qui est au chevet du Président qu'incombe la mission en toute attitude de dresser un bilan de santé périodique et l'annoncer à son propre titre sans toutefois passer par l'incroyable agence de presse dont le crédit-confiance est un peu grignoté. C'est ce qui se pratique d'ailleurs, ailleurs. On l'aurait vu récemment avec un Trump covidé en pleine campagne électorale.

Pourtant, il est dit dans tous les manuels de la simple communication gestionnelle que « si tu ne donnes pas l'information on la crée à ta place ». Ainsi une espèce d'omerta, l'on dirait imposée, s'est vue venir se greffer dans les rouages de toutes les institutions nationales. Un ministre porte-parole ne dit parole à ce propos. Une équipe à plusieurs conseillers du Président chargés de la communication ne communique pas, ou le cas échéant, elle le fait mal. Il reste, les réseaux sociaux avec leurs facéties de se mettre en pole position et de manœuvrer l'opinion publique. De la drôlerie de certains bruits, l'on peut parfois en tirer des conclusions. A lire certains commentaires, on n'est plus dans l'interrogation sur l'état de santé ou bilan sanitaire du Président, mais bel et bien sur sa présence, sa situation physique. Outre cela, l'interrogation va encore plus loin pour s'intéresser aux étapes d'une probable succession, qui pour certains est déjà dans sa phase de casting. Des noms sont avancés, des plans sont présentés. C'est dire, qu'il difficilement de comprendre pour quiconque ce qui se passe et ce qui va se passer. Néanmoins, tout le monde, tout algérien ne peut s'empêcher de penser que des scenarios sont mis en place en haut lieu. L'on peut se permettre, système endurci que nous vivons , d'aller comme ça à l'aveuglette dans un cheminement incertain aux contours politiques très dangereux. Personne aussi ne peut s'auto-refuser à croire que c'est l'armée qui serait en charge de la mise sur pied de tout plan de dénouement en cas de vacances du pouvoir Présidentiel. L'on parle également de l'absence du chef d'état-major. La rumeur le porte malade se soignant à l'étranger.

Enormément de questions se soulèvent à chaque jour qui passe. Une certitude est cependant bien évidente. L'Etat au sens dynamique est à l'arrêt. Un conseil du gouvernement par-ci avec un ordre du jour à la limite d'une gestion administrative, des visites ministérielles par-là à la limite d'un lever de doigt en guise de présence, des walis en tournée à la limite d'une aération extra-bureautique. Pas plus. Alors que la pandémie dépasse les 1000 cas de contaminations, frôle la vingtaine de décès - du moins ce qui ressort de la statistique officielle- la réalité en est éperdument autre ; le pays est en attente de la moindre information sur le Président, son retour, sa reprise de fonction, ses nécessaires décisions ou son incapacité à poursuivre ses missions, la transition, les probabilités, les coulisses, les nouvelles allégeances, les engeances, les démarcations.

L'article 102, que tout le monde avait sur les lèvres semble être remis en scelle. Quoi que l'exercice dans sa nature génétique du pouvoir par ses tenants fait éloigner cette option. Le maintien de la stabilité, le refus de réveiller le spectre de la contestation, les conflits frontaliers, la crise sanitaire, économique, la précarité sociale, l'insatisfaction citoyenne sont autant d'arguments à la défaveur d'une telle mesure. Seulement la confusion s'est instaurée avec la nouvelle constitution non encore promulguée qui renvoie son applicabilité à une Cour constitutionnelle en lieu et place d'un Conseil. Cet imbroglio juridique se débat intempestivement selon des campements de l'un ou de l'autre. Ainsi, d'énormes écarts de Droit sont à plaindre. La signature aux fins de publication à elle seule de la nouvelle constitution n'aura pas à régler tous les dysfonctionnements institutionnels. L'inexistence de la Cour constitutionnelle, de son Président, de ses membres, un Président intérimaire du Sénat compliqueraient davantage l'application éventuelle de l'ex-article 102. A l'apparence le problème ainsi soulevé semble revêtir un caractère purement de Droit, alors qu'en fait il baigne dans une approche purement politique. La constitution est certes un document législatif, elle constitue aussi un socle où viennent s'asseoir toutes les règles du jeu politique.

Nous dirons que les soucis d'un pays commencent quand la communication virtuelle officieuse et informelle dosée de tout condiment devance la communication officielle de surcroit si celle-ci est squelettique, décharnée et incrédible. Les questions qui demeurent sans réponses ou les situations qui ne s'expliquent que confusément sont comme l'écoute d'un sourd aux paroles d'un éminent orateur.