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L'INVICIBILITE DU TEMPS

par Abdou BENABBOU

Il y a dix ans, le monde arabe dans sa grande partie a été ébranlé par un séisme social provoqué par des populations qui n'en pouvaient plus. Prévisible, il ne s'est pas arrêté et ses répliques moins fortes semblent indiquer qu'elles ne font que passer, car réclamer haut et fort une justice et une équité est une chose, et donner à une nation un socle de dignité et de progrès en est une autre. Le partage juste et équitable des richesses d'un pays entre tous ses enfants n'est pas aisé. Pour preuve, pour la plupart des pays arabes, les contestations et les revendications populaires se sont conclues par un bilan mitigé et parfois, comme en Egypte, elles n'ont servi qu'à l'accession au sommet du pouvoir d'un maréchal pour remplacer un général, sans pour autant présager la mise en place d'une démocratie pour laquelle le peuple a versé son sang. Il en est de même pour la magnanime Tunisie, aujourd'hui empêtrée dans de sérieux démêlés politiques et économiques internes. D'autres pans populaires, écrasés par une multiplication de la misère quotidienne et par une errance sans fin, se sont laissés aller dans un paradoxe incongru en avouant en sourdine leurs nostalgies des temps passés. Ironie du sort, l'Irak lui-même, profondément blessé dans son corps, son âme et sa souveraineté en est réduit à réclamer, pour se protéger, le maintien sur son sol de l'armée américaine artisane attitrée de la déflagration du pays. Dans les périphéries voisines, d'autres Etats arabes ont franchement tendu leurs deux mains à Israël pour attester sans retenue que les jeux sont faits.

Que ceci et cela soient liés, la situation actuelle du monde arabe tombe sous le sens. Si les révolutions des rues se sont avérées être des armes dont la légitimité est incontestable, elles démontrent leurs limites. Les régimes arabes se sont trop longtemps alimentés d'un féodalisme mortel pour que leurs peuples puissent espérer aujourd'hui que le progrès et le bonheur tombent du ciel. Les lamentations, les cris et les pleurs, quelles que soient leurs intensités, n'ont jamais été suffisants pour vaincre le temps.