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Le râle justifié

par Abdou BENABBOU

On se scandalise à tort mais l'on s'émeut sans doute avec droit et raison face au grandissant problème des harraga. Contrairement à ce l'on croit, le phénomène est appelé à s'amplifier encore et toutes les tentatives pour le juguler seront vaines et ne pourront à la limite que le tempérer. L'homme est né pour bouger et son histoire a toujours démontré que la migration est inscrite dans ses veines. Le seul paradoxe est qu'à mesure que les frontières se ferment, la transhumance s'accentue. Mais de tout temps, le climat, la pauvreté et la misère ont été des éléments accélérateurs des exodes de masses assimilant l'espèce humaine à la nature animale.

On ne mesurera jamais avec précision ce qui a tramé dans la tête d'un jeune ou d'un moins jeune harrag. La mesure est encore plus grande quand il s'agit de familles et de femmes qui bravent le présent pour un avenir suicidaire. Le choix entre la vie et la mort ne se pose pas quand celui d'une nouvelle identité humaine est pressant et insoutenable. Sauf que l'on oublie que les éventuels pays d'accueil ne changeront pas les leurs et il est prouvé que la vie confortable qui y régnait a déjà engagé sa poudre d'escampette. Il n'est pas écarté que l'immense difficulté d'exister de leurs populations retracera des sillons nouveaux pour une migration originale à contresens de celle qui dramatise et inquiète aujourd'hui le monde.

De tout temps, les guerres, la famine et sans doute aussi la lassitude d'une présence dans un vivier outrageusement monotone ont été des terreaux pour fertiliser les exodes. Malgré les risques et les douloureux impondérables, l'homme est par nature explorateur. Sans avoir besoin des aventures, il est souvent soumis à céder à l'attraction du domaine des inconnues.

De toute évidence, quand des humains sont engloutis par la mer, le râle de l'humanité est justifié. Mais ce râle plus que légitime ne peut absoudre ce pourquoi toutes les espèces ont été créées.