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Poker gagnant pour l'Histoire

par Abdelkrim Zerzouri

La signature des accords historiques de normalisation des relations avec les Emirats arabes unis (EAU) et Bahreïn, troisième et quatrième pays arabes à signer un accord de paix avec l'Etat hébreu, après l'Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994, pousse tous les pays arabes dans leur dernier retranchement. Malgré les bonnes relations entretenues entre certains pays arabes et Israël, très étoffées dans les domaines de la sécurité et de la coopération économique pour certains d'entre eux, ces relations sont gardées très secrètes. Mais, pourrait-on encore garder plus longtemps ces secrets dans ce nouveau jeu diplomatique au Moyen-Orient plus ouvert aux révélations des positions et des sentiments cachés ? Par crainte de la colère de leurs populations, généralement acquises à la cause palestinienne, certains dirigeants de pays arabes passent leurs soirées à Tel-Aviv et se réveillent le matin pour dénoncer la répression des Israéliens contre le peuple palestinien. C'est un secret de polichinelle que de dire que les Emirats arabes unis (EAU) et Bahreïn entretenaient des relations très étroites avec l'entité sioniste depuis très longtemps, et que la signature des accords historiques de normalisation de ces relations d'une manière aussi ouverte est beaucoup plus l'œuvre et la volonté de Trump et Netanyahu qui se trouvent engagés dans une course pour leur réélection, et qui ont décidé de jouer cette carte de la normalisation des relations d'Israël avec les pays arabes pour charmer les électeurs.

C'est une véritable prouesse que d'amener les pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël sans la condition du recouvrement des droits des Palestiniens à travers la création d'un Etat souverain et indépendant. Toutefois, la signature des accords de normalisation par deux pays seulement ne satisfait pas les ambitions électoralistes de Trump et Netanyahu.

Ainsi, on se met à crier sur les toits que d'autres pays arabes vont rapidement suivre l'exemple des Emirats arabes unis (EAU) et Bahreïn. Une annonce qui a créé un climat lourd de suspicion et d'attente pour connaître quels sont ces pays arabes qui vont suivre la voie de la normalisation ? Comme dans une partie de poker, les joueurs s'observent et tentent de déceler la faille chez l'adversaire; disent-ils vrai ou bluffent-ils quand Trump et Netanyahu affirment que d'autres pays arabes arrivent à la table pour signer la normalisation de leurs relations avec Israël ? Selon les observateurs, la «méthode Trump» étant calquée sur les parties de poker, reposant sur les rapports de force et l'art du bluff, il est très difficile de faire un quelconque pas sans risque de se faire plumer. Est-ce un coup de bluff quand il annonce par médias interposés et autres relais gouvernementaux que le Qatar et le Koweït ont accepté de normaliser leurs relations avec Israël, que d'autres pays arabes y arrivent, dont l'Arabie saoudite ? Le Qatar et le Koweït ont tous deux, immédiatement, abattus leurs cartes, en apportant un démenti catégorique à ces affirmations, et en réitérant leur position immuable de mettre fin à l'occupation israélienne et d'établir l'Etat palestinien avec Al Quds comme capitale, dans le cadre des résolutions de la légalité internationale y afférentes.

Le Soudan, lui, qui souhaite être retiré de la liste des Etats soutenant le terrorisme, subit un odieux acte de chantage. La liste en question étant l'œuvre des Américains, ces derniers lui imposent carrément une normalisation officielle de ses relations avec Israël contre une sortie du Soudan de cette catégorie de pays, ainsi qu'une promesse d'une alléchante aide économique, de 5 milliards de dollars, si Khartoum rentrait dans les rangs. L'Algérie, sans avoir eu besoin de coup de bluff ou de chantage, a annoncé la couleur de l'authenticité de sa position envers la cause palestinienne, « sacrée pour tout le peuple algérien et ses dirigeants ». En tout cas, même s'ils perdent au change, le poker est gagnant pour les pays arabes, car il révèle au grand jour des positions tenues secrètes et donnera à l'Histoire une occasion de s'écrire sans fioritures.