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Mostaganem: Les villages côtiers par temps de Covid-19

par El-Houari Dilmi

De Mostaganem jusqu'à la plage de Bahara, à cheval avec la wilaya de Chlef, les villages côtiers du littoral mostaganémois filent du mauvais coton à cause d'une saison estivale gâchée par la pandémie du Covid-19.

Jeudi 10 septembre, une vue splendide sur la grande bleue s'offre à notre regard dès l'entame de la descente de la localité de Sidi Ali en direction de Sidi Lakhdar. La ville du saint patron des lieux, Sidi Lakhdar Benkhlouf, grouille de monde en ce début de week-end. Les rues sont animées et les commerces bien achalandés, surtout les fruits de saison disponibles à profusion. La voie large qui relie la localité de Sidi Lakhdar jusqu'à la plage de Bahara, à la limite de l'entrée de la wilaya de Chlef, en passant par Khadra et Achaacha, est en bon état, permettant à notre véhicule de rouler à vive allure en totale sécurité. Des vergers s'étalent à perte de vue dès l'entrée de la localité de Khadra, connue pour ses anciennes cuves à vin qui occupent une bonne partie du paisible patelin. La mer est calme et le ciel scintillant d'un magnifique bleu azur.

Bahara, un havre de paix

Le paisible village rural de Bahara, relevant administrativement de la commune de Ouled Boughalem, d'habitude très fréquenté à pareille époque de l'année, est presque vide. Triste à en mourir. «Cette année, c'est la cata pour nous», lâche ce commerçant d'alimentation générale, implanté le long du boulevard qui traverse de part en part le village de Bahara. «Ce n'est que vers la mi-août que les choses ont commencé à bouger; nous gagnons notre vie durant les trois mois de l'été, cette année, le manque à gagner se fait sentir durement sur tout le village», poursuit-il, en soupirant. Village côtier entièrement dédié au tourisme balnéaire, la localité de Bahara dégage un calme olympien. La circulation automobile y est très faible et son cachet pittoresque donne à la petite ville balnéaire un air de petit paradis sur terre. Ici, presque tout le parc immobilier est dédié à la location : des motels plus ou moins huppés jusqu'aux habitations juchés à flanc de montagne, on peut trouver où crécher pour quelque jours avec une grande facilité, et à des prix défiant toute concurrence. Pour un deux-pièces salon au milieu d'un vaste verger, les tarifs ont descendu cette année jusqu'à 3.000 DA la nuit, avec pratiquement toutes les commodités, comme l'eau courante, le gaz butane, et même du pain maison et autres fruits de saison offerts gratuitement par les généreux propriétaires des lieux. Divisée en quatre plages, Bahara dispose d'autant d'accès à la mer, avec un sable fin et surtout très propre. Visiblement, les autorités locales ont fait l'effort de nettoyer les plages, profitant de la période de confinement qui a duré jusqu'à la mi-août. Constat amer pour les rares estivants en cet été finissant, la rareté du poisson dans les marchés locaux. A Ouled Boughalem, il y a foule au marché de la ville. Un vendeur à la criée propose de la sardine à 500 DA le kilo, au même tarif que les villes de l'intérieur. Interrogé sur le pourquoi de la chose, un poissonnier nous explique, sans être convaincu du bien-fondé de ses dires, que les sardiniers regagnent la terre ferme avec de faibles quantités de poisson, « et cela dure depuis plusieurs jours », ponctuant sa harangue par un « makach el hout fel bhar », au milieu d'une foule comme amusée.

El Guelta ou «la ville des immigrés»

A quelques encablures de Bahara, on tombe sur la commune d'El Guelta, dépendant administrativement de la wilaya de Chlef. Ici, les rues sont plus animées et les commerces nombreux. On y trouve de tout, un parterre de bric et de broc tapisse une partie du centre-ville, avec des produits divers proposés à la vente, de la viande et des fruits et légumes jusqu'aux ustensiles de cuisine, articles d'habillement ou encore les articles de pêche. Dans cette paisible localité entièrement dédiée aux plaisirs de la mer, les immigrés y sont nombreux. « Mais cette année, ils ne sont pas venus à cause du maudit virus de corana », tempête un légumier, proposant des figues appétissantes à prix cassé. « Chaque année, nos immigrés viennent chargés de produits en tous genres qu'il revendent ici à des prix défiant toute concurrence, mais cet été, c'est la dèche », soupire-t-il. Une vingtaine de kilomètres plus loin, en direction de la ville portuaire de Ténès, nous atteignons la localité d'El Marsa, connue pour sa marina et son petit port de pêche. Ses plages de galets sont un véritable régal pour les yeux. Une mer calme, un peu grâce à d'immenses brise-lames formés par des blocs de béton, qui agissent comme des lignes de défense efficaces contre les assauts de la mer. La portion de route en bon état, qui sépare El Marsa de Ténès, offre un spectacle magnifique sur les fermes aquacoles au large, des sortes de bassins et cages aux couleurs chatoyantes, servant à l'élevage de poissons comme la dorade, à quelques dizaines de mètres du rivage. Sur le chemin du retour vers Bahara, des petites fillettes, belles et souriantes, offrent du pain maison sur le bord de la route. D'autres vendent du maïs grillé à 50 DA/pièce. Le soleil s'apprête à rejoindre sa cache, quand nous atteignons les plages de Decheria, occupées par des amoureux des beaux couchers de soleil pour bien terminer la journée, ou encore les mordus de la pêche à la ligne, juchés sur des rochers le long du rivage. Nous atteignons notre point de chute, Le village de Bahara à la tombée de la nuit. Une brise marine, ô combien rafraîchissante, souffle sur cette portion de terre du littoral mostaganémois qui pleure ses nombreux enfants qui ont traversé la Méditerranée en quête d'un chimérique Eldorado. Beaucoup y ont laissé leurs vies, jetant comme un voile de tristesse sur les bons et généreux habitants de Bahara. De retour vers la capitale des Hauts-Plateaux de l'Ouest, la canicule reprend ses droits dès notre arrivée à Mazouna, en plein cœur des monts de la Dahra. Un air plus frais nous lèche le visage dès notre ascension vers le col de Guertoufa à plus de 1.100 mètres d'altitude, avant notre arrivée à Tiaret, une ville encore animée à une heure tardive, la preuve que la belle saison a encore de beaux jours devant elle.