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DENSIFICATION

par Abdou BENABBOU

S'astreindre au jusqu'au-boutisme pour interdire les mariages renseigne sur le niveau catastrophique atteint par la pandémie. Au-delà des immenses désagréments qu'elle fait subir à l'homme, la profondeur des rognes qu'elle entreprend dans les rites et les cultures, elle est en passe de donner un nouveau profil à l'espèce humaine et l'oblige peu à peu à chercher de nouvelles raisons de vivre quitte à adapter ses comportements jusqu'à revoir l'articulation de sa foi. Les rassemblements induits par le besoin de festoyer en large groupe sont évidemment en cause, mais méritent que l'on ne s'arrête pas à de simples effets d'incivisme pour comprendre que le coronavirus ne vient pas seulement contrarier en surface un modèle d'existence.

L'homme n'est pas né pour vivre en ermitage et la nécessité pour lui d'aller à la rencontre de son prochain est sa première raison d'être. L'épidémie en a encore pour longtemps. Tout porte à croire qu'elle s'installera dans la durée pour se fixer en colonne vertébrale dans les cultures en exigeant des remises en cause douloureuses pour l'adaptation qui n'est pas assurée. Cela est d'autant plus poignant pour des peuples qui ne s'arment que de l'unique semée de la fatalité et qui s'en remettent à l'effronterie épidermique en signe de rébellion quand ils ne s'abritent pas sous le dôme de la religion.

La détérioration actuelle de la situation sanitaire mondiale prouve une incapacité de venir à bout d'un virus tenace et jusqu'ici les solutions déployées partout, les unes paradoxales, d'autres irréfléchies, ont prouvé leur inefficacité. Seul le civisme avec son transport vers la sagesse et la raison et la circonspection qu'il impose reste la préliminaire parade pour une protection assurée et pour le moment seulement. Il est autrement plus efficace que tous les jeux répétés des confinements. Ceux-là n'ont aucun sens quand ils compressent le temps mais offrent malencontreusement une plus forte densification des masses en mouvement.

De guerre lasse, des autorités locales ont interdit les mariages. Toute légitime qu'elle pourrait l'être, elle risque d'être comprise comme une épreuve de force. La grande question de l'instant serait sans doute de tenter de savoir si le civisme est compatible avec la force. Dans un futur proche, l'humanité entière, déroutée par les cultures nouvelles qui se tissent, sera face à cette lourde question.