Au risque d'amplifier le pessimisme ambiant, il faut
reconnaître qu'une senteur morbide plane sur le monde et le ministre des
Affaires étrangères français a bien raison d'affirmer dimanche dans une
interview qu'il sera pire qu'avant.
Si sa sombre analyse s'articule sur des données de
géostratégie, pour les Algériens que nous sommes nul n'est besoin de nous
empêtrer dans de complexes théories pour appréhender un futur qui s'annonce à
bien des égards catastrophique. Tout prête à croire que l'homme n'est et ne
sera pas disposé au partage et que le mot d'ordre est déjà au sauve-qui-peut.
La pandémie n'aura donc pas suffi pour un nouvel ordonnancement bienfaiteur
pour l'humanité et les recommandations qu'elle était censée imposer seront vite
oubliées. Elle s'avère être en vérité une simple objurgation qui a mal voilé
ses méfaits. Dans le brouhaha mortel actuel, les autorités algériennes font ce
qu'elles peuvent en tentant de ménager le chou et la chèvre et les décisions
aux approximatifs relents draconiens démontrent la lourde dimension de leurs
appréhensions. A peine sorties d'une crise politique gigantesque, elles doivent,
tout fraîchement installées, affronter deux fameux fronts. La pandémie n'a pas
seulement ouvert une fenêtre pour des préoccupations sanitaires, mais elle a
surtout fracassé un grand portail pour inviter un véritable tsunami économique
et social. Faute de mieux, les petites retouches politiques et économiques
prises dans l'urgence ne réussissent pas à dérouter leurs craintes et encore
moins la hantise de la population. Un des petits artifices pour la combattre a
été de permettre le redéploiement de l'activité informelle pour que s'affiche
le signe patent d'une impuissance généralisée. Voir des cohortes par milliers
d'une population censée être confinée devant les portes des mairies pour
l'obole des 10.000 dinars est un symbole d'un naufrage assuré. Mettre en
demeure les entreprises de sauver le peu qui reste de leurs activités est un
ordre difficile à exécuter lorsque bien avant l'arrivée de l'effroi du virus,
elles avaient déjà entamé une euthanasie imposée. Faut-il pour autant que
l'immense déprime aux multiples visages pousse au suicide ? L'énorme faculté
d'adaptation des Algériens reste la principale arme à leur disposition. Il ne
leur manquera que l'esprit cartésien pour apprendre à compter sur eux-mêmes et
pour tout affronter. Quitte à se contenter d'eau fraîche et de mie.