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EUTHANASIE IMPOSEE

par Abdou BENABBOU

Au risque d'amplifier le pessimisme ambiant, il faut reconnaître qu'une senteur morbide plane sur le monde et le ministre des Affaires étrangères français a bien raison d'affirmer dimanche dans une interview qu'il sera pire qu'avant.

Si sa sombre analyse s'articule sur des données de géostratégie, pour les Algériens que nous sommes nul n'est besoin de nous empêtrer dans de complexes théories pour appréhender un futur qui s'annonce à bien des égards catastrophique. Tout prête à croire que l'homme n'est et ne sera pas disposé au partage et que le mot d'ordre est déjà au sauve-qui-peut. La pandémie n'aura donc pas suffi pour un nouvel ordonnancement bienfaiteur pour l'humanité et les recommandations qu'elle était censée imposer seront vite oubliées. Elle s'avère être en vérité une simple objurgation qui a mal voilé ses méfaits. Dans le brouhaha mortel actuel, les autorités algériennes font ce qu'elles peuvent en tentant de ménager le chou et la chèvre et les décisions aux approximatifs relents draconiens démontrent la lourde dimension de leurs appréhensions. A peine sorties d'une crise politique gigantesque, elles doivent, tout fraîchement installées, affronter deux fameux fronts. La pandémie n'a pas seulement ouvert une fenêtre pour des préoccupations sanitaires, mais elle a surtout fracassé un grand portail pour inviter un véritable tsunami économique et social. Faute de mieux, les petites retouches politiques et économiques prises dans l'urgence ne réussissent pas à dérouter leurs craintes et encore moins la hantise de la population. Un des petits artifices pour la combattre a été de permettre le redéploiement de l'activité informelle pour que s'affiche le signe patent d'une impuissance généralisée. Voir des cohortes par milliers d'une population censée être confinée devant les portes des mairies pour l'obole des 10.000 dinars est un symbole d'un naufrage assuré. Mettre en demeure les entreprises de sauver le peu qui reste de leurs activités est un ordre difficile à exécuter lorsque bien avant l'arrivée de l'effroi du virus, elles avaient déjà entamé une euthanasie imposée. Faut-il pour autant que l'immense déprime aux multiples visages pousse au suicide ? L'énorme faculté d'adaptation des Algériens reste la principale arme à leur disposition. Il ne leur manquera que l'esprit cartésien pour apprendre à compter sur eux-mêmes et pour tout affronter. Quitte à se contenter d'eau fraîche et de mie.