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QUAND LA VIE ET LA MORT SE PRENNENT LE BRAS

par Abdou BENABBOU

Tous les commerces ou presque ont fermé. Seuls le boulanger, l'épicier ou le gérant de la superette doivent bénir le sort pour les avoir épargnés d'un congé forcé. Leur propre pain, semoule et pomme de terre leur sont encore garantis.

La situation d'un présent démoniaque jette un dévolu infernal sur le parcours freiné d'une population laborieuse qui n'avait pas attendu l'intrusion mortelle de la pandémie pour tenter d'étouffer son esprit déjà affecté par des perspectives de vie compromise. De guerriers discrets et dans l'ombre, ils s'accrochaient bon an, mal an à une hypothétique amitié et complicité avec l'existence et ils se retrouvent aujourd'hui dans une lutte perdue d'avance sur deux fronts. Il ne s'agit plus aujourd'hui de faire face à la férocité d'un maléfique virus, mais il est réclamé aussi de croiser le fer avec la vie qui en changeant de veste est devenue complice d'un mortel vent galactique.

Il faut aller dans le détail des grandes et petites charges financières que supportait la masse pour comprendre que le désarroi n'a pas de limites. Pour ceux qui se sont endettés et ont accumulé des crédits pour s'accrocher à la vie, le désappointement de par son énormité dégage des pestilences. Frais en tout genre à honorer qui vont de la gamelle à ne pas vider jusqu'aux factures à respecter, vont effilocher tous leurs sens et ne seront pas loin d'indiquer que la lutte pour la survie n'était en fait que l'accélération d'une vie évanescente. Plus haut, plus loin sur les balcons enviés de la déboussolée hiérarchie sociale, les crédits accordés en milliers de milliards ont fini par avoir un goût âcre.

Alors qui et quoi affronter ? La mort qui frappe aux portes ou la vie qui les a fermées allant jusqu'à l'empêchement de renter au peu d'oxygène salvateur dont une large proportion de la population disposait ?

Il ne s'agit pas bien évidemment de faire la fine bouche et développer un apitoiement de surface alors que plus de la moitié de l'humanité est confinée, mais la grande dimension du drame est là quand la vie et la mort se prennent le bras.