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Béatification de 19 religieux catholiques à Oran: Un signe de fraternité à destination du monde entier

par Houari Barti

C'est dans l'émotion et la sérénité que s'est déroulée, hier, la cérémonie de béatification des 19 religieux, «Mgr Pierre Claverie et ses compagnons», sur l'esplanade du «Vivre Ensemble» de la chapelle «Notre-Dame de Santa Cruz» à Oran, en présence notamment des familles des 19 martyrs, mais aussi des représentants de la communauté catholique en Algérie.

Une cérémonie solennelle marquée par la présence de hautes personnalités politiques, à l'image du ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, M. Mohamed Aïssa, du représentant personnel du Pape François 1er, le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation des causes des saints, venu à la tête d'une délégation de haut rang du Vatican et de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères. Dans une déclaration prononcée en marge de la cérémonie, M. Mohamed Aïssa a tenu à exprimer «l'entière satisfaction de l'Etat algérien suite à l'accord donné par le Pape François 1er à la demande formulée par l'Eglise catholique algérienne d'organiser cette cérémonie en Algérie. Une demande, a-t-il souligné, formulée par l'archevêque émérite d'Alger, Mgr Henri Tessier, qui est de nationalité algérienne. Une précision de taille, à travers laquelle M. Aïssa a tenu à affirmer «l'engagement politique total de l'Etat algérien et à sa tête le président de la République», et dès le départ de l'initiative, pour cet évènement suivi de très près par les médias étrangers, à travers notamment une soixantaine de demandes d'accréditation de journalistes étrangers issus d'une quinzaine d'organes d'Italie, de Suisse et de France. De son côté, le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation des causes des saints, a tenu également à prendre part à l'hommage rendu par le ministre des Affaires religieuses, M. Mohamed Aïssa, aux 114 imams assassinés durant les années 90, lors d'une rencontre tenue à la mosquée Ibn Badis. C'est donc dans un esprit de fraternité et de tolérance que s'est tenue en début d'après-midi la cérémonie de béatification des 19 religieux, déclarés «Bienheureux» et appelés à être célébrés chaque 8 décembre. Une date doublement symbolique puisqu'elle coïncidera désormais avec la Journée internationale du Vivre Ensemble. Dans un message lu en son nom par un représentant du Vatican, le souverain pontife a estimé que «cet évènement inédit dessinera un signe de fraternité fort dans cette terre d'Algérie à destination du monde entier». Le Pape François 1er a également tenu à remercier le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, pour le soutien et les efforts déployés afin que cette béatification se tienne dans les meilleures conditions. Il est à noter que la béatification est «la déclaration, par décret pontifical, qu'une personne de foi chrétienne a pratiqué les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque», avait expliqué, le 12 novembre dernier, l'évêque d'Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, lors d'une rencontre organisée à l'occasion des préparatifs de cette cérémonie. La publication de ce décret, a-t-il souligné, «est suivie d'une célébration solennelle de béatification» avant de préciser que la vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé «bienheureux» ou «bienheureuse» est par la suite «autorisée, localement ou universellement». Cette cérémonie de béatification permettra également de mettre en valeur le don de sa vie d'un autre martyr, musulman celui-là, Mohamed Bouchikhi. Ce jeune Algérien a choisi lui aussi de rester auprès de l'évêque d'Oran, au risque de sa vie. Nous le savons grâce à un testament spirituel très émouvant retrouvé après sa mort. C'est ainsi que cette cérémonie prend tout son sens, «le sens de ces béatifications, c'est la valeur du témoignage de chrétiens tués avec des musulmans, dans une épreuve qu'ils ont fait leur», a-t-il affirmé. Et de préciser : «Le point capital est que ce témoignage réussisse à mettre en lumière celui de tous ces milliers d'Algériens musulmans, dont plus d'une centaine d'imams, qui ont payé de leur vie leur combat contre la terreur en mode religieux». Il ne s'agit pas de braquer les projecteurs sur «les chrétiens victimes de ces violences», mais bien de les mettre «en communion avec tous les Algériens» qui en ont lourdement souffert (la guerre civile a fait au moins 200.000 morts en Algérie durant les années 1990 - ndlr). «Nos frères et sœurs martyrs étaient -et doivent rester- un signe de fidélité». «Ils ne sauraient servir de prétexte au réveil d'une prétendue adversité qui les aurait opposés aux Algériens». C'était tout le contraire ! «Ils sont restés par solidarité». Et c'est, d'une certaine manière, «parce qu'ils étaient proches de ceux avec lesquels ils travaillaient que ces «bienheureux» ont été attaqués», dans leurs quartiers ou leurs villages, a-t-il expliqué. Il est à noter que c'est le 27 janvier dernier que le Saint-Siège a publié le décret reconnaissant le martyre de «Monseigneur Pierre Claverie et ses compagnons» (dont les moines de Tibhirine), et a donc donné le feu vert à leur béatification. C'est le diocèse d'Alger qui a engagé ce processus de béatification englobant ces 19 martyrs de la même cause. La décision d'engager cette procédure a été prise en mai 2000 à Rome. Le pape Jean-Paul II avait alors invité à célébrer au Colisée les martyrs du XXe siècle.