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Khashoggi: Ankara parle d'un meurtre «planifié», la presse implique MBS

par Ezzedine Said (Afp)

  La Turquie a affirmé hier lundi que le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi avait été «sauvagement planifié», contredisant la version avancée par Ryad, et la presse turque a impliqué le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dans ce crime. «Nous sommes face à une situation qui a été sauvagement planifiée et des efforts conséquents ont été déployés pour dissimuler» ce meurtre, a déclaré lors d'une conférence de presse à Ankara Omer Celik, porte-parole du parti au pouvoir en Turquie (AKP).

Les autorités saoudiennes, après avoir soutenu que le journaliste était ressorti vivant du consulat, ont finalement admis samedi que Khashoggi y avait été tué, mais ont nié toute préméditation. Le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a indiqué dimanche que Khashoggi avait été victime d'un «meurtre», évoquant une «opération non-autorisée» par le pouvoir, dont Mohammed ben Salmane, dit MBS, n'était «pas informé».

«Appels au bureau de MBS»

Mais selon le quotidien progouvernemental turc Yeni Safak, le chef d'un commando saoudien de 15 agents dépêchés à Istanbul pour tuer le journaliste, a été directement en contact avec le bureau du prince héritier, après »l'assassinat», le 2 octobre.

L'homme en question, Maher Abdulaziz Mutreb, présenté comme un membre de la garde rapproché de «MBS» a appelé «à quatre reprises le directeur du bureau du prince héritier, Bader Al-Asaker». «Au moins l'un de ces appels a été effectué depuis le bureau du consul général», a ajouté le journal, dans un article intitulé «l'étau se resserre autour du prince héritier». Dans le quotidien Hurriyet, un éditorialiste proche du pouvoir turc, Abdulkadir Selvi, affirme que le journaliste, âgé de 59 ans au moment des faits, a été immédiatement conduit vers le bureau du consul à son arrivée au consulat où il a été »étranglé» par les agents saoudiens. «Cela a duré entre 7 et 8 minutes».          Le corps a ensuite été «coupé en 15 morceaux» par un médecin légiste faisant partie du commando saoudien, a ajouté M. Selvi, selon lequel le corps démembré a été sorti du consulat mais se trouverait toujours dans un endroit inconnu à Istanbul. «Si le prince héritier ne rend pas de comptes et n'est pas évincé de son poste, nous ne devons pas clore ce dossier», a poursuivi l'influent chroniqueur. Selon les médias turcs, la police a retrouvé lundi un véhicule du consulat saoudien, équipé d'une plaque d'immatriculation diplomatique, «abandonné» dans un parking souterrain d'Istanbul.

Sosie

La chaîne américaine CNN a pour sa part diffusé des images de vidéosurveillance montrant, selon un responsable turc, un des agents saoudiens quittant le consulat par une porte arrière portant les vêtements dont était vêtu Khashoggi à son arrivée, ainsi qu'une barbe factice. Il s'agissait, selon le responsable turc, d'une «tentative de dissimulation» visant à faire croire que Khashoggi avait bel et bien quitté le bâtiment comme l'avait affirmé Ryad après la disparition du chroniqueur du Washington Post. Ces révélations surviennent à la veille d'une intervention très attendue de M. Erdogan au cours de laquelle il a promis de révéler »toute la vérité» sur la mort de Khashoggi. Le chef d'Etat turc a indiqué lundi que le meurtre du journaliste serait évoqué lors d'un conseil des ministres prévu dans la journée. M. Erdogan s'est entretenu au téléphone dans la nuit de dimanche à lundi avec son homologue américain Donald Trump peu après la parution d'une interview dans laquelle ce dernier a dénoncé «des mensonges» et jugé que les versions données par Ryad »partent dans tous les sens». Un conseiller de M. Erdogan, Yasin Aktay, commentant dans une tribune de presse le récit saoudien du meurtre, a estimé qu'il était «une insulte à notre intelligence». Outre une crise de crédibilité, ce scandale international a poussé au boycott, par des responsables occidentaux et des dirigeants de firmes internationales, d'une grande conférence économique, chère au prince héritier, prévue à Ryad à partir de mardi.

Sous pression en Allemagne depuis des jours, le PDG du conglomérat industriel Siemens, Joe Kaeser, a annoncé lundi renoncer à contre-coeur à se rendre à ce forum.

Le ministre allemand de l'Economie Peter Altmaier a appelé lundi de son côté les Européens à ne plus autoriser d'exportations d'armes vers l'Arabie saoudite tant qu'elle n'aura pas fait la lumière sur le meurtre de Khashoggi.