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Bonatiro VS experts en astronomie

par Abdelkrim Zerzouri

Seul contre tous, M. Loth Bonatiro appelle à retarder l'heure de l'Imsak. En tant qu'expert en astronomie, il affirme que les Algériens jeûnaient près de 40 minutes supplémentaires, à cause justement de cet horaire erroné de l'Imsak, juge-t-il, qui intervient près de 40 minutes avant son temps normal. Il n'en fallait pas plus pour provoquer une levée de bouliers quasi générale dans les milieux scientifiques et des officiels religieux. Personne ne dit mot si M. Bonatiro a un quelconque intérêt lorsqu'il livre à l'opinion publique une telle affirmation mais la réaction du ministre des Affaires religieuses dit, elle, que les autorités n'ont aucun intérêt à laisser les Algériens jeûner plus ou moins que ce qui a été exigé par Dieu. Viendra ensuite la réaction virulente d'une vingtaine d'astrophysiciens et un cosmologue, qui ont signé une mise au point d'un ton au bord de l'invective, fustigeant les médias qui, à leurs yeux, manquent singulièrement de professionnalisme en l'invitant sur leurs plateaux, toujours sans dire quel intérêt a-t-il M. Bonatiro de faire une pareille déclaration. Bien sûr, en ces temps de rigueur scientifique et de matériel ultra sophistiqué pour observer la plus lointaine des étoiles, il y a peu de place pour la philosophie dans le ciel, mais M. Bonatiro n'est-il pas un expert en astronomie ? Les signataires de la mise au point commencent justement leur réplique en ironisant sur ce statut, puisqu'ils soulignent que M. Bonatiro est présenté comme expert en astronomie, comme s'ils ne lui reconnaissent pas ce titre, eux, sans le dire textuellement. Il n'est pas expert en astronomie mais il prend en otage toute la science astronomique, avouent-ils. Affirmant dans ce contexte que la table des horaires de prières (Roznama) à laquelle se réfère le ministère de tutelle, est établie chaque année par un groupe d'experts astronomiques du CRAAG. Maintenant on sait quel intérêt a fait bouger ce groupe d'experts. Pour se justifier devant l'opinion publique, bien sûr. Reste que l'actuel ministre des Affaires religieuses a bien changé la prière du Dohr qui était fixée 13h20mn, et qui était fixée à cette heure précise par le CRAAG, sans l'intervention d'aucun expert ! Peut être que les experts du CRAAG, eux-mêmes, ont recommandé ce changement comme aveu qu'ils se sont trompés sur cet horaire de la prière de la mi-journée. Les experts ne disent aucun mot à ce propos, dans leur mise au point. On ne sait pas si le ministre a raison ou tort lorsqu'il a changé l'heure de la prière du Dohr. Un point marqué dans la mêlée par M. Bonatiro. C'est que leur mise au point incite plutôt à croire que celui qui est présenté comme expert en astronomie ne fait que du cinéma lorsqu'il dit que les Algériens jeûnaient près de 40 minutes supplémentaires, alors que les vrais experts en astronomie, qui utilisent des règles standard de calcul des horaires des prières, dont l'Imsak, ne se trompent jamais. C'est cette Roznama, établie par le CRAAG, qui est appliquée par le ministère des Affaires religieuses, le même ministère qui n'applique pas toujours les avis et recommandations des astronomes concernant l'observation du croissant lunaire. Des fois amis et d'autres fois non, ou la religion s'accommoderait-elle de la science selon les circonstances et les évènements ?! Dans le cas de cette supposée prolongation des 40 minutes de jeûne, tout tourne autour de cet instant qui sépare la nuit du jour, soit l'heure de l'Imsak, l'aube naissante. Selon les explications de M. Bonatiro, il existe le crépuscule astronomique, utilisé par les astronomes pour observer les plus faibles étoiles du ciel, qui change selon les saisons, plus long que le crépuscule religieux, qui est cet instant qui sépare le jour de la nuit. Bienheureux que le jeûne soit prolongé de 40 minutes, parce que dans le cas contraire c'est le jeûne de toute la population qui ne serait pas correct, depuis l'indépendance. Puisque M. Bonatiro soutient que le problème perdure depuis ce temps. Les jeûneurs, eux, qui n'ont rien compris à ce débat des étoiles, renvoient tout ce beau monde dos à dos. On mangera quand on entendra l'appel de l'adhan du Maghreb, et on s'arrêtera de manger à l'appel de l'adhan de l'Imsak.