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Palestine occupée: Sauver ce qui reste de sa dignité

par Ghania Oukazi

Après l'avoir transformée en «question humanitaire», la communauté internationale vient de réduire la cause palestinienne à une simple promesse électorale que le président américain a faite et a tenue.

Depuis jeudi dernier, jour où le président américain a déclaré El Qods, capitale de l'entité sioniste, les dirigeants arabes font semblant de réfléchir à comment réagir à un tel affront. Il est certain que ce n'est pas l'arrivée de Donald Ttrump à la Maison Blanche ni les promesses électorales qu'il a tenues qui pousseront les Arabes et les Musulmans dans leur ensemble, à tenter de sauver ce qui reste de leur dignité. Il y a longtemps qu'ils s'y sont départis, au profit d'intérêts bassement matériels et d'hégémonie contingente et éphémère. Les monarchies du Golfe le savent et le pratiquent depuis leur existence, en tant que telles. Des pays du Moyen-Orient ne font pas moins pour juste être considérés comme «leaders» le temps d'une négociation de surcroît très partielle entre Arabes et Israéliens.

Arthur Balfour n'est pas mort. Le monde occidental le sait et l'approuve. La déclaration de Balfour du 2 novembre 1917 concernant la décision de la Grande-Bretagne de permettre la construction d'un foyer juif en Palestine, a était reprise, étayée et élargie à d'autres concessions de taille que la communauté internationale a, toujours, réussi à imposer au peuple palestinien sous le silence délateur des dirigeants arabes.

La déclaration du ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque a été, en effet, relayée et actualisée, à cet effet, tout au long de l'histoire avec leur complicité parfois sournoise, très souvent agissante. Dernier fait renégat en date, la décision de la Ligue arabe de considérer le Hezbollah de Nasr Allah le libanais «organisation terroriste.»

Les Arabes, de compromissions en compromissions

Réunis au Caire, en novembre dernier, les dirigeants arabes ou leurs représentants n'ont pas hésité, en effet, à qualifier de terroristes les seuls Arabes qui combattent, militairement, Israël. Les Etats-Unis avaient pris le soin avant, de brandir la menace de retirer ses aides militaires aux pays du Golfe, tout en faisant agiter le spectre de l'Iran, sur la région. Seul parti à tenir tête à l'entité sioniste, le Hezbollah est, aujourd'hui, aussi le seul à déclarer être prêt à soutenir militairement l'appel des Palestiniens à une nouvelle Intifadah et à recommander «l'intensification de la résistance», unique moyen, dit Nasr Allah, pour combattre Israël. Il sait que la fronde et la pierre des enfants palestiniens valent bien plus qu'une agitation de responsables arabes. Parce que le reste des réactions des Etats arabes n'est que verbiage? Ils se sont tus trop longtemps pour pouvoir relever l'échine devant un acte prémédité, annoncé et voulu, depuis de longues années par pratiquement tous les officines et présidents américains. Les dirigeants arabes ont, de tout temps, sacrifié la Palestine sur l'autel de leurs intérêts desquels dépend leur survie.

Balfour n'est pas mort

C'est ainsi qu'ils ont fermé les yeux devant les accords de Camp David conclus par l'Egyptien Anouar Essadat, le 17 septembre 1978 et ceux d'Oslo, liant Arafat et Rabin le 13 septembre 1993. Accords par lesquels le peuple palestinien a vu rétrécir ses territoires et la totalité de ses droits, en premier celui de se nourrir et de se soigner. Tout au long de l'histoire, il y a eu les pendaisons de M'Hamed Jamjoum, Fouad Hjazi, la liquidation d'El Kassam et des fidayins, il y a eu les massacres de tel Ezaatar, de Sabra et Chatila, de Kafr Kassam, de Qana la libanaise, il y a eu la guerre contre le Sud-Liban contre le Hezbollah, tout récemment. Ils ont accepté l'exclusion de l'OLP de Yasser Arafat et de ses troupes de Beyrouth, par la force d'un blocus militaire israélien, l'assassinat d'Abou Djihad, en exil en Tunisie, la fermeture par la Jordanie, de la Mer morte face aux fidayins, les empêchant ainsi de faire des attentats en Israël, de la construction de milliers de colonies juives sur les territoires palestiniens. En 1967, les sionistes ont incendié la mosquée de Omar, ils ont provoqué des fouilles sous prétexte de déterrer leur temple juif. Les dirigeants arabes ont accepté que les Palestiniens soient désarmés et aient un semblant d'autonomie à Ghaza où ils ont été parqués pour être transformés en bombe à retardement contre leur propre existence.

Les dirigeants arabes se sont tus devant le génocide du peuple palestinien à Ghaza. Ils se sont bouchés les oreilles devant les appels et les pleurs des enfants qui sont gazés, à chaque fois que l'entité sioniste le décide. Ils ont accepté que la Cause palestinienne pour l'indépendance de leurs territoires soit convertie en question humanitaire. Toute la communauté internationale s'est mise alors à défendre l'acheminement d'aliments, de vêtements et de couvertures pour un peuple qui périssait sous le joug colonial sioniste. Ils ont laissé assassiner Saddam Hussein, Maamar El Kadafi, Ali Abdallah Salah? pour des raisons de leadership.

Quand la dignité s'effrite

Ils ont cautionné la politique israélienne de «partager pour régner», séparer par la force de l'argent et le crime chiite et sunnite, tout en exécutant des plans machiavéliques pour livrer l'Iran à la folie guerrière américaine et sioniste.

Bien que dans l'air depuis quelque temps, la décision certes dangereuse et ségrégationniste que vient de prendre le président américain, concernant El Qods, doit en principe projeter le monde au-devant d'une situation tout à fait différente -en terme de périls- de celles qui ont marqué jusque-là la Cause palestinienne. Il faut, cependant, avouer qu'elle n'est pas pire que toutes les autres qui l'ont précédée depuis la déclaration de Balfour et par lesquelles la Palestine occupée est de plus en plus recluse. Les réactions à tous ces crimes de l'entité sioniste ont été juste populaires par lesquelles les peuples arabes, crient, jurent et promettent vengeance. Sans plus. Ce que l'Occident a appelé «Printemps arabes», suivi de la colonisation de la Libye et de la Syrie après celle de l'Irak bien avant, a réduit à néant le peu de dignité que le monde arabe avait préservé. Totalement dénudés par le diktat des Américains et les puissants lobbys de la juiverie, les dirigeants arabes sont allés jusqu'à accepter de se coaliser pour s'éliminer mutuellement. Le cas du Yémen n'est pas le seul à en faire foi. Certains pays du Golfe ont même soudoyé des élites arabes pour faire tomber Bachar Al Assad et pourrir la situation en Syrie.

A une question à Abdelaziz Belkhadem, alors ministre des Affaires Etrangères, sur la possibilité de réinventer la guerre de 1973 où les pays arabes se sont associés pour combattre Israël, il répondra sans hésiter «ce n'est plus possible parce qu'il n'y a plus de leaders (zouâama) !»