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Bruit de bottes

par Moncef Wafi

Les yeux du monde, et l'Algérie avec, sont tournés vers le Liban et les menaces d'une guerre par procuration financée par Riyad, commanditée par Washington pour le grand bénéfice d'Israël. Alger, de par ses positions et son attachement à la justice internationale, ne peut pas ne pas être concernée par le bruit de bottes qui se fait insistant du côté de Beyrouth et de la plaine de la Bekaa. L'objectif est double et l'intérêt est partagé: d'un côté, l'Etat hébreu, qui veut affaiblir le Hezbollah militairement et politiquement, et de l'autre, l'Arabie Saoudite, qui veut limiter l'influence grandissante de Téhéran dans la région du Proche-Orient. La stratégie du prince héritier saoudien, Mohamed Ben Selmane, paraît se diriger droit vers ce scénario, lui qui vient d'être accusé ouvertement par Nasrallah de commanditer une attaque israélienne contre le Liban. La présence même du désormais Premier ministre dans la capitale saoudienne d'où il a démissionné de son poste sous la contrainte, affirme-t-on, est un indice supplémentaire dans la volonté de MBS de mener à bien le plan concocté par les stratèges américains et israéliens. L'appel des quatre monarchies du Golfe à leurs citoyens les enjoignant de quitter le Liban est un indice de plus dans ce positionnement belliqueux. En effet, et sous couvert de lutte contre la corruption, il vient d'éliminer toute éventuelle opposition à son rapprochement avec Tel-Aviv. Riyad, sous influence des faucons américains, se prépare indirectement à déclarer la guerre à l'Iran en essayant d'éliminer ses présumés relais dans la région. Après avoir envoyé tous les terroristes du monde en Syrie et en Irak avec l'appui des Qatariens, déclaré la guerre contre le Yémen avec l'appui d'une coalition arabe aux ordres, les Saoudiens veulent ouvrir un nouveau front de tension à même de déstabiliser le voisin chiite. Et pour cela, le SG du Hezbollah n'a pas hésité à déclarer que l'Arabie Saoudite est «prête à offrir des dizaines de milliards de dollars à cette fin». Si économiquement, cet état latent d'une guerre aux portes a fait monter les prix du baril du pétrole, politiquement, il risque de faire basculer toute la région dans une nouvelle spirale de violence capable de redonner vie à Daech. Et l'Algérie dans tout ce magma putride ? Alger, qui entretient officiellement de bons rapports avec l'Iran et l'Arabie Saoudite, devra redoubler de diplomatie pour expliquer sa position de neutralité dans un conflit où le seul vainqueur n'est pas à chercher parmi les deux antagonistes.