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La preuve par neuf

par Ahmed Farrah

La représentation nationale avait voté le programme d'action du gouvernement présenté par M. Tebboune. Celui-ci est parti dans les conditions que tout le monde sait. Son successeur, M. Ouyahia, efface tout et recommence de zéro.

Il vient de présenter, lui aussi, sa feuille de route à l'APN pour sortir de la grave crise financière que traverse le pays. Toutefois, le remède qu'il préconise pour renflouer le Trésor public semble concentrer contre lui l'opposition d'experts es-qualités et des personnalités politiques.

Voyant venir le spectre d'une inflation incontrôlable laminant la classe moyenne récemment constituée et appauvrissant encore plus les laissés pour compte, ces spécialistes de la finance et les blogueurs lancent des alertes et mettent en garde l'exécutif contre les dangers que peut générer le recours à la création monétaire sans création de richesse. Comparant l'Algérie à des pays comme le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne?qui ont souvent eu recours à la planche à billets mais en occultant leur puissance économique et financière, M. Ouyahia, en fin stratège populiste et sachant manier les mots subliminaux qui font mouche, propose à l'APN une issue de sortie pour qu'elle vote son programme d'action même s'il est en porte-à-faux avec celui de son prédécesseur avalisé il y a quelques mois seulement.

Ce énième épisode dans les pratiques politiques locales montre bien la volatilité des assemblées législatives du pays et le degré des convictions et des valeurs des uns et des autres qu'ils sont censés défendre. La défection de l'électorat et l'indifférence totale dans lesquelles se déroulent les élections sont une réponse perspicace à ceux qui jouent avec le présent et l'avenir du pays.

Le citoyen lambda n'est pas dupe parce qu'il est le premier à subir les revers et les inconséquences des comportements de la classe politique. Croire qu'il n'est pas mûr pour comprendre ce qui se trame dans des loges d'initiés est caricatural puisque tous les éléments du puzzle sont posés sur la place publique et confortés par l'arrivisme et la médiocrité frappante de ceux qui ont loué des strapontins à durée renouvelable pour se servir.

Au même moment, dans un autre lieu, la composante politique n'est pas tout immaculée mais son pays ne croule pas sous la saleté, ses habitants ne sont pas méprisés, la corruption et les passe-droits ne sont pas édifiés en règle, la réussite par l'abus de bien sociaux est traquée?

Dans ces pays l'homme défend d'abord des valeurs et des convictions et non pas un chef chez qui il trouve de la bénédiction. Voter pour un projet limitant l'intervention de l'argent dans la sphère politique, puis un programme qui mettra fin aux acquis sociaux est la preuve par neuf que le résultat de l'opération est injuste, il fallait trouver l'argent là où il est et non pas le créer dans un tour d'illusionniste.