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Hymne à l'espérance !

par Kamal Guerroua

Sûrement, la vie comptera pour rien et ne nous procurera jamais cette espèce de fierté intime qui redynamise l'être profond, si l'on n'est pas prêts à nous battre, si l'on a cessé d'espérer, de manifester notre droit à l'existence et à la jouissance de toutes nos libertés. «Résister, aurait écrit un jour Jacques Ellul, c'est exister». La résistance est en effet l'une de ces joies de vivre qui emplissent le cœur, on ne sait d'ailleurs pourquoi, d'un bonheur tumultueux et comme insaisissable, d'une sorte d'ivresse extatique, de force, d'espoir et de courage. Des vagues d'enthousiasme houleuses, rageuses, soulevées tout à fait dans l'âme comme des flots qui se déchaînent, nous entraînant à défendre nos principes, à relever des défis, à soutenir des idéaux... «Je préfère mourir pour mes idées que mourir de lassitude ou de vieillesse !», affirmait il y a quelques années l'une de ces rares voix humanistes et rebelles d'une certaine «Algérie qui avance» pour définir son combat identitaire et politique. La résistance est, à vrai dire, ce qui nous rend étanches aux faiblesses alors que le fatalisme n'est rien d'autre qu'une vieillesse d'esprit et une manifestation d'impuissance. Quelque chose d'insupportable, une sensation grave, longue comme une décomposition de l'âme..., une agonie. Bref, un spasme affreux de la pensée, de la conscience et du cœur. Les veines sont atrophiées, le cerveau figé dans l'immobilisme, les rêves frêles, amaigris par la peste du pessimisme. L'homme ressemblera dans cette situation-là à cette mer qui gronde, s'ennuie, à la fois mélancolique et furieuse, mais muette, sans mouvement, inerte. Il renonce à recourir à ces valeurs «transcendantales», les siennes et celles de sa communauté pour agir. Il assiste à son érosion morale sans qu'il réagisse, chutant vite dans la crispation, la déprime. Autrement dit, il ne serait jamais en mesure d'opérer cette «petite déconstruction intime» pour savoir là où il était, ce qu'il est devenu et ce qui l'attend dans le futur. Il ne fait que recevoir le ressac de ces vagues molles qui lui donnent le change, ne pouvant point, malheureusement, riposter. C'est un bateau qui chancelle au gré de la direction du vent, loin de la terre ferme, loin du port, loin de l'espérance. Et quand se lève le fracas de la mer, il tend plutôt à l'inclinaison et au naufrage qu'au défi. «J'ai appris, écrit le colombien Gabriel García Marquez, que tout le monde veut vivre au sommet de la montagne sans savoir que le vrai bonheur est dans la façon de l'escalader». Affronter le chaos du monde, le désordre des choses, la mort des valeurs, par l'action de tous les jours, la résurrection de la foi dans l'espérance, dans l'homme..., l'humain en général est l'un des meilleurs hommages qu'on peut rendre à la vie. C'est un hymne de l'espoir. C'est pourquoi, il faut être un grand rêveur pour bâtir brique par brique cette citadelle de la résistance...