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Que faut-il comprendre de Ouyahia ?

par Moncef Wafi

Presque une semaine après la photo tweetée par le Premier ministre français le mettant en scène avec Bouteflika, Ahmed Ouyahia est sorti de sa réserve dénonçant un «complot» et qualifiant de «comportement abject» la publication de Valls. Allant plus loin, il accuse la France et ses relais en Algérie d'être derrière ce complot s'en prenant aux nostalgiques de l'Algérie française. La voix de Ouyahia se joint au concert des critiques de tous bords qui ont vu dans ce tweet une atteinte au président mais pas que. Le débat se partageant entre l'irrespect affiché par Valls et l'insoutenable erreur des Algériens d'imposer un homme sérieusement affecté à la face du monde.

La réaction de Ouyahia, quoique en retrait de la première ligne de défense, convoque plusieurs interrogations et en particulier sur sa qualité même. Est-ce le secrétaire général par intérim du RND qui a réagi ? Ou bien le chef de cabinet de Bouteflika ? Sa qualité conditionnant l'interprétation de sa sortie médiatique. Ouyahia chef de cabinet, c'est la première réponse officielle du gouvernement algérien étrangement silencieux suite au tweet provocateur de Valls après l'épisode virulent du Monde et ses conséquences directes sur le Sommet interministériel de haut niveau. Ouyahia chef de parti, c'est une attaque contre les alliés de la France dont il ne cite pas les noms. Pourtant l'allusion est trop claire pour ne pas la voir. Ou il pointe sa cible favorite : l'opposition qu'il a toujours accusée d'être derrière les malheurs de l'Algérie. Ou il solde ses comptes avec son frère ennemi, Amar Saadani, qui a disparu des radars depuis quelques semaines ne participant même pas au débat national suscité par Valls, lui, si prompt à défendre l'image de Bouteflika.

Dans cette deuxième optique, on assisterait à une réponse du patron du RND à son alter ego fléniste qui avait appelé à son limogeage de sa fonction à El Mouradia. En tout état de cause, Ouyahia, quelle que soit la casquette de sa réponse, est resté fidèle à sa réputation. Difficile à cerner, excellent dans l'exercice de l'appel et du contre-appel, cher aux commentateurs sportifs, il maîtrise parfaitement son sujet. A chacun de faire sa propre lecture, laissant à l'homme le temps de démentir telle interprétation ou telle extrapolation. Pourtant le message est fort et à qui de droit de comprendre et de lire entre les lignes.

En s'attaquant aux alliés de la France qui manigancent pour la chute de Bouteflika «dans des laboratoires», Ouyahia surfe sur ses principes affichés ouvertement lors de la passe d'armes concernant l'article 51 de la Constitution et l'interdiction faite aux binationaux d'exercer de hautes fonctions dans l'Etat. Démagogique à l'extrême, Ouyahia aura au moins le mérite de mettre tout le monde d'accord sur l'une des conséquences du perfide tweet de Valls : accroître l'affectation des Algériens pour leur président.