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Le nouveau code de procédure pénale en débat : Les «oui, mais?» des robes noires

par Houari Saaïdia

« Le nouveau code de procédure pénale va dans le sens du renforcement des droits de la défense et de l'assurance des droits et des libertés. En outre, il consolide l'autorité judiciaire pour imposer le respect de la loi. Cependant, nous estimons qu'il y a un grand manque de visibilité en ce qui concerne les mécanismes d'application de certaines dispositions, comme l'assistance du suspect par un avocat lors de sa garde à vue, le placement sous surveillance électronique et la médiation en matière pénale. En clair, à un peu plus d'un mois de leur mise en œuvre, nous ne voyons toujours pas comment ces dispositifs seront appliqués. Sommes-nous prêts pour introduire le bracelet électronique, par exemple ? C'est pourquoi, en tant qu'acteurs qui concourent à la justice, nous avons convié des professionnels du droit de pays étrangers qui nous avaient devancés dans ces réformes, dont la France, l'Espagne et la Tunisie, pour nous parler de leurs expériences respectives. Les recommandations seront transmises au ministre de la Justice, Garde des Sceaux, pour que son département s'en inspire, à l'effet de peaufiner ce texte, regroupant les normes législatives relatives à la procédure pénale via des décrets d'application qui s'ensuivront », a indiqué au ?Quotidien d'Oran' le bâtonnier du barreau d'Oran, Me Ouahrani Lahouari, en marge du séminaire tenu, hier au Sheraton, axé sur une étude comparative sur la nouvelle législation, en matière de procédure pénale. Les travaux se sont articulés autours de dix communications données par Me Fasla Abdelatif sur « la procédure de la comparution immédiate et les ordonnances de règlement », Benaouda Mohamed, juge d'instruction près le pôle spécialisé d'Oran, sur « les attributions du juge du magistrat instructeur », Me Djabeur Reda sur « les voies de recours et le pourvoi en matière pénale », Me Kheddoud Djafer sur « la médiation pénale », M. Djâafri, président de la Chambre d'accusation près la cour d'Oran sur « le rôle et les activités de la Chambre d'accusation », Me Memmi Hichem, avocat du barreau de Tunis, sur « l'incident relatif au conflit d'intérêt en matière de procédure pénale », Me Aït Ihaddadene du barreau de Bobigny sur « la procédure de la présence de l'avocat lors de la garde à vue et les modalités de la mise du bracelet électronique », plus les conférences de Me Anouar Bacheur (Tunisie) et Me Jaques Taquet, bâtonner de Nanterre.

S'agissant de la médiation, en matière pénale, il faut savoir que le nouveau CPP a instauré la médiation comme nouveau mode de règlement alternatif dans le cas de diffamation, d'atteinte à la vie privée, d'abandon de famille, de destruction des biens d'autrui, de coups et blessures ou d'émission d'un chèque sans provision, etc. Le but, selon des avocats « pénalistes », étant de soulager les tribunaux de ces infractions, dites mineures, qui prennent, parfois, beaucoup de temps à la justice. «C'est un point positif, car il permet de régler certaines affaires avant qu'elles ne parviennent en justice, se réjouit-on, à l'unisson.

DETENTION PROVISOIRE : LE PRINCIPE TROP VAGUE DE « L'EXCEPTION »

A propos de la garde à vue, les intervenants ont fait remarquer que dans l'ancien code, l'avocat n'avait, strictement, pas le doit d'entrer à l'intérieur du commissariat afin d'assister son client. Le nouveau code a remédié à ce déséquilibre, dans son article 51 bis 1, en donnant le droit à chaque suspect d'être assisté par un avocat. Mais la durée autorisée est seulement de 30 minutes. Me Ouahrani qualifie cette durée de «peu suffisante». «La durée de détention du prévenu varie selon la gravité des faits qui lui sont infligés. Dans le cas des petites affaires, l'avocat ne pourra assister son client qu'après 48 heures du début de la garde à vue, pour une durée d'une demi-heure. Certes, c'est un acquis, mais il n'est pas conséquent, car il ne nous permet pas d'assister à l'interrogatoire, chose que nous ne cessons de revendiquer», ajoute un autre avocat du barreau d'Oran. Par ailleurs, on estime qu'il n'y a pas eu beaucoup de changements concernant le chapitre ?mise en liberté/détention provisoire'. La seule nouveauté réside peut-être, selon un avocat, dans l'allégement constaté dans la définition de certaines terminologies contenues dans la nouvelle loi, dans son article 123. «Dans son paragraphe 3, l'article 123 explique que le juge d'instruction peut ordonner, exceptionnellement, la détention provisoire d'un inculpé si les conditions de sa mise sous contrôle judiciaire ne s'avèrent pas suffisantes», indique un autre avocat. Et de s'interroger : «Pourquoi le caractère exceptionnel n'est-il pas expliqué dans cette loi ? C'est une définition très vague. De plus, ces mesures ne sont pas suffisantes, car il faut qu'elles répondent à des normes claires pour nous expliquer pourquoi un juge d'instruction décide de la mise sous mandat de dépôt d'un inculpé. Il faut éclaircir ce point par d'autres textes et ne pas laisser une telle décision importante, à l'égard de l'inculpé, à l'appréciation des juges d'instruction.»