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TRAITRE ET HARKI

par M. Abdou BENABBOU

Le secrétaire général du FLN vient d'utiliser un qualificatif tombé en désuétude. En affirmant samedi à Oran que ceux qui achèteraient des voix en monnaie sonnante et trébuchante pour être élus dans les prochaines élections seraient des harkis, il emploie une indistincte locution sujette à moult et vagues compréhensions. Dans l'esprit général et dans l'apriori, un harki est un supplétif vendu qui s'est mépris sur ses origines en trahissant ses racines. On ne s'est pas encore mis d'accord sur l'intervalle qu'il y a entre un harki et un traître. On ne sait pas non plus si ces étiquettes infâmes reposeraient sur de malheureuses et fausses convictions ou sur des choix délibérés et réfléchis pour bafouer sa conscience quand on en a une. Parce que les mots harki et traître, galvaudés à l'emporte-pièce ont la faculté de désigner une large panoplie de comportements immoraux qui vont de la confiance trahie jusqu'à la participation active dans un génocide.

En politique où les mots ont un poids et un sens toujours corvéables, les deux termes ainsi déclinés deviennent des expressions plates livrées au marché des crédules. En vérité ce sont de parfaites locutions jumelles qui désigneraient des monstres et des zombies sans scrupules qui marcheraient sur le corps de leurs mères et piétineraient l'intérêt général pour de bas gains personnels. Ne sont donc pas traîtres et harka seulement ceux qui achètent des voix pour être élus ou d'anonymes acteurs coupables par le passé d'actes supplétifs en dressant leurs âmes vides contre l'indépendance du pays.

La liste de la pure espèce est bien trop longue pour se contenter d'une mise à l'index réduite formulée par un responsable politique maniant la virtualité des définitions selon les convenances et les nécessités manœuvrières du moment. Les fourberies les plus anodines mêlées aux roublardises les plus colossales produisent des inconséquences humaines suffisamment lourdes pour imposer une question dramatique. L'indolence généralisée, la rapine officialisée, le piétinement des normes et la légalisation de la haine de l'autre, ne feraient-ils pas de tous des traîtres et des harkis ?