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Corps sec et creux, mentalité immobile

par Ahmed Farrah

L'administration algérienne est bien singulière dans ses pratiques bureaucratiques. Elle est binaire dans sa conception. Archaïque dans son fond et faussement actuelle dans sa forme. Arabisée dans son tronc et ses tiges mais reste à peu près francisée dans ses radicules. Lourde, lente, écrasante et répugnante pour ses usagers. Des efforts ont été faits ces dernières années pour la dépoussiérer et la rendre supportable et humaine. La disponibilité du casier judiciaire, du certificat de nationalité et du fameux S12 via Internet, la numérisation des documents d'état civil, la suppression de la légalisation des copies des papiers administratifs et des timbres fiscaux pour plusieurs documents et la délivrance dans la même journée des cartes grises et des cartes d'identité, sont des initiatives non négligeables qui font l'économie du temps, des distances, des tracas et difficultés inhérentes. Pas encore complémentent allégée de paperasserie, la carte d'identité non encore numérisée ne remplace pas, pour le moment, l'extrait d'acte de naissance, le certificat de nationalité et le certificat de résidence, ce qu'il devrait se faire. Dans un autre volet, elle reste figée dans l'anachronisme, hybride dans son dessein : sacralisée et civile, une mixture de religieux islamique et de code napoléonien. Obtenir un certificat de célibat se fait sur un simple témoignage de deux personnes mais pas du géniteur; curieux !       A quoi sert donc la mention à la marge de l'extrait d'acte de naissance ? Soupçon de mariage religieux non inscrit à l'état civil ? Un certificat de chômage est aussi délivré sur témoignage ! A quoi sert l'attestation de non-affiliation à la sécurité sociale ? Soupçon de travail au noir ! La liste du ridicule reste longue. Autre carence : un grand nombre de ses agents ne maîtrisent pas la langue de Molière et font souvent des transcriptions erronées des filiations et des dates de naissance, pénalisant ainsi l'usager. L'administration a aussi beaucoup investi dans les infrastructures pour faciliter les choses aux citoyens, seulement, ni eux ni les fonctionnaires n'ont amélioré leurs comportements qui restent primitifs et belliqueux. Les mentalités «avancent en arrière» des lieux. Le civisme est un vain mot. Les bousculades, les attroupements, les offenses et les vulgarités sont des banalités bien ancrées dans le caractère. Les lieux pollués d'hurlement, de poussières et de senteurs à couper le souffle aux mouches, n'ont rien à envier aux marchés à bestiaux des pays paumés et désolés par le vent de sable et le sirocco. Le contraste est criard avec d'autres sociétés qui respectent leurs valeurs et leurs codes sociaux, bien que leurs gares déversent chaque jour des dizaines de milliers de voyageurs, le calme plat y règne et permet d'entendre les jingles et la voix douce de l'hôtesse qui annonce les arrivées et les départs des trains, dans un décor propre et pur. Autre involution qui ne cesse de s'étendre à tous les étages de l'administration et qui interpelle les regards de nos séniors et des étrangers de passage habitués à mieux, leur regret et leur désapprobation de l'affront à l'environnement par les attitudes incorrectes et de la façon malpropre et désuète de s'habiller des agents de l'administration. Ces conditions pénalisantes et ses comportements désolants sont partout et quotidiennement vécus et n'indiquent malheureusement pas que les choses vont en s'améliorant. Fatalité et résignation d'une société sadomasochiste qui possède tous les atouts pour vivre dignement et ?'prospèrement'', dans un pays continent que beaucoup de charognards attendent qu'il rende son dernier souffle pour le dépecer. Enfin, se rend-elle compte de sa situation rythmée par un quotidien intemporel, maussade et monotone sur fond de dormance léthargique ? Sûrement pas !