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Quel rôle ont les syndicats de l'éducation ?

par El Yazid Dib

Par définition usuelle un syndicat est une association de personnes dont l'objectif est la défense d'intérêts professionnels communs.

Pas plus. Ce n'est ni un parti politique, ni un conseil scientifique, encore moins une commission de réflexion.

Un syndicat est autrement dit une partie exceptionnelle de la société civile, il forme selon des caractéristiques propres un centre dynamique de défense et de protection de droits moraux et matériels bien précis.

Personne ne peut prétendre à la négation de la présence syndicale au sein de l'éducation nationale. L'école étant le pilier axial du devenir de la nation rassemble en ses cours, ses classes et ses préaux toute une armée dont l'unique bataille demeure celle de l'acquisition des outils préliminaires du savoir initial. L'école est un prélude à toute issue radieuse. C'est à elle donc qu'incombent tous les paris liés à la qualité d'une génération. C'est d'elle que dépend, aussi l'école de demain. Cette activité presentielle, bien au contraire se doit de se renforcer davantage et que le pouvoir de négociation des employés et celui des employeurs puisse constituer l'une des causes fondamentales à l'émergence de corporations fortes et responsables.

Les employeurs maintenant sont plusieurs. Dans le privé, un giron florissant et qui a déjà ses vertus et ses avatars, ne semble pas être trop préoccupé par l'installation de cellules syndicales. Et pourtant, il s'agirait à l'évidence du même effectif qui officie dans le public, dans la majorité des situations. L'enjeu est capital en force de travail.

Un syndicaliste de l'enseignement par ailleurs n'est forcement pas une personne qui a le devoir de maitriser les techniques éducatives ou formationnelles, il lui suffit juste de connaitre la législation régissant la relation de travail et d'être consensuel. L'adhésion autour du représentant qu'il incarne est exigible plus que celle que requerrait le chapelet d'actions à entreprendre. La flexibilité, la finesse et l'écoute seront le précieux apport dans le dénouement des crises. Ce ne sera pas l'opiniâtreté des deux cotés ou la fermeté impromptue qui rompra les scellés obstruant le développement de l'école nationale.

Il est d'une frilosité particulière que chez certaines personnes le syndicat est pris pour un trouble-fête. Un bâton dans les roues. Parfois c'est vrai quand l'avis est subjectif et tend à personnaliser une entité à un simple individu. Ce cliché se trouve être forcé à s'imprimer dans la conscience des gens par rapport à ce que la centrale syndicale, monopolistique tenait à faire dans le monde politique. Organisation syndicale ou politique ? Les deux, sans nul accomplissement. Si certains ont en phobie le monde syndical, certainement devraient-ils faire une frontière entre l'idéal syndical et son acteur. C'est à peu près comme l'islam et certains musulmans. L'idée dans sa dimension idéologique ou spirituelle est stable et pérenne, vertueuse et noble alors que ceux qui s'en réclament sont individuels, hypothétiques, versatiles et souvent mal aimés. Un syndicaliste doit plaire à ses pairs, il n'est pas une nomination par acte d'autorité.

Si l'on refuse aux pilotes syndiqués d'air Algérie de débattre sur le tarif du billet ou les options promotionnelles, si l'on fait de même à ceux des impôts pour la quotité des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la politique fiscale de l'Etat ; pourquoi alors accorde-t-on à ces syndicats le droit de discuter du programme scolaire et ses objectifs pédagogiques, du contenu du cartable, du choix des matières et leur priorité ? Quel rapport salarial ou indemnitaire y a-t-il entre l'obligation d'enseigner telle ou telle matière à tel ou tel palier ? Pourquoi à l'université les syndicats ne sont représentés que par les étudiants ? Le personnel enseignant à les siens. Les autres travailleurs du secteur de l'enseignement supérieur ou de la formation professionnelle de même. L'écolier, diriez-vous n'est pas majeur ! Du primaire au secondaire, l'enfant est vite placé sous une tutelle qu'il n'élit pas, ne désigne pas. Ni lui, ni ses tuteurs légaux. On le forcera à penser en triturant cette sentence d'Anatole France esclaffant «De toutes les écoles que j'ai fréquentée, c'est l'école buissonnière qui m'a paru la meilleure.»

Par défaut, l'on trouve subrepticement une association qui s'apparente à un syndicat de l'élève par le raccourci de ses parents. Les parents d'élèves ? Ceux-ci ont un grand devoir dans une autre espèce d'éducation. Mais, la responsabilité ne leur est pas totalement imputable. L'on ne peut pas trouver dans un papa tout le temps, un policier, un imam, un instituteur, un clown, un copain?hélas la rue et l'incivisme s'en substituent. Quel rôle reste dévolu à l'association de ces parents ? Un appendice à l'institution, chargé à priori de colmater les déficiences matérielles, voire assurer à la longue un équilibre dans une partition paritaire qui n'a rien à voir avec le vécu des potaches. L'Etat doit se suppléer à cette association qui ne s'anime que par la figuration lors d'une rentrée protocolaire. C'est à cet Etat, par ses démembrements qu'échoit le devoir de préserver l'éducation nationale des enfants. La protection des mineurs est une disposition impérative et constitutionnelle. L'Etat restera le parfait syndicat de l'élève, tant le droit à l'éducation est une garantie solennelle. Abandonner des chérubins en compagnie du lot d'inquiétudes de leur avenir, auprès d'autres desseins n'est pas de nature à parfaire les choses. Il n'est pas de l'attribution d'un quelconque syndicat de tracer en son absence ou en celle de ses légitimes représentants la trajectoire de toute une fournée d'enfants. L'école persistera à être la pépinière de la nation. Elle est importante pour la laisser au gré des concurrences et de la surenchère ou encore à l'humeur d'un employeur précaire et révocable à tout instant.

 Le monopole syndical n'a été brisé en sourdine que par l'acharnement potentiel de ces jeunes syndicats. Il leur a été difficile de pouvoir s'installer dans un climat hostile à l'émergence de nouvelles entités. La politique submerge tout ce qui est créneau porteur et vital pour ou contre un système. Le pouvoir sous tous les toits agit et subit. Se hisse par des formations dites a caractère politique et se protège par et à l'aide d'organisations associatives, corporatistes, fédératives et? syndicales. La constitution, les partis, la diplomatie, les hydrocarbures, les prix, les élections, le surstockage, le célibat et le terrorisme ont formé au fil des ans le champ de manœuvre de l'activité syndicale débordante. Fixer les dates des vacances et des fêtes, décider de l'heure d'hiver ou d'été est sans doute l'affaire de tous. Sans limite aucune, la centrale suivie des autres s'est permis l'immersion dans toutes les eaux. L'indépendance toutefois exhortée, étant une distinction cardinale devra s'éloigner de toute ombre. Alors se disent-ils, ces jeunots syndicats, si la mère centrale goûte à toutes les sauces, pourquoi nous priver d'en savourer les arômes? L'on imagine mal ou au moins ardument par essence qu'un syndicat dédié à l'enseignement puisse se prévaloir de lorgner un droit d'intervention autre que celui pour lequel il est agrée.

Et ces grèves interminables ? Et ces débrayages au commencement du commencement ? La notion de la protestation a connu à travers la formation des générations et des civilisations moult grandeurs et décadences. La grandeur se limitait à l'image des leaderships, ces visages charismatiques qui faisaient du rêve des réalités. Quant à la décadence, elle gisait, tenace et ternie tant bien que mal, sans pudeur dans les cavités nauséabondes qui hantaient le corps de nouveaux militants aux faibles prophéties politiques. Le vieux syndicat est à l'agonie. Les jeunes s'essoufflent. La contradiction dans un système ramène toujours sa viabilité au bord de la déperdition quand ce n'est pas à la disparition sismique de le guetter à la moindre faille. Cette centrale n'a de puissance que dans un pouvoir factuel. Pas dans ses rangs, ni dans son fonctionnement. Et pourtant l'exercice politique peut être aussi astreint au passage obligatoire dans un sens unique rarement giratoire, par des actions d'envergure syndicales ou partisanes. Là, se pose toute l'alternative de la science des techniques de la manœuvre politicienne. Un syndicat ; est-il l'excroissance d'un parti ou son procréateur ? La réponse diffère d'un horizon à un autre. Si pour la centrale tout est clair, c'est la masse qui fait l'unité ; le brouillard surplombe les autres. Pour qui roulent-ils ? Mais à voir les embuches, les tiraillements, les infortunes, les disgrâces qui les ciblent l'on devine la croyance à une indépendance. Il n'est pas facile, dans un monde barré où tout un chacun est amarré à une borne d'avoir à agir avec l'aisance souhaitée pour une liberté d'action et une autonomie dans l'agissement. C'est en cas leur grand défi.

La légitimité d'une action s'amène toujours de la légalité du dispositif qui permet sa réussite et son succès. Sinon, si tout sera voué à l'échec, l'action deviendra impopulaire et à un degré moindre illégitime. La grève en est un cas typique de la contestation. Les écoliers et leurs parents ont en assez de ces intempestivités. Censée appartenir à la famille des outils revendicatifs, la grève se banalise de jour en jour en une combinaison presque politique de l'ordre de celles qui convoitent une situation confortable au sein du système ou de celles qui appellent carrément à sa disparition, étant incompatible avec l'humeur ou le dessein qu'affichent les deux parties. Système/syndicat.

Justement, les syndicats de l'éducation ne doivent pas avoir pour interlocuteur un ministre. C'est le gouvernement dans son entièreté qui est concerné. Que peut faire un ministre face aux innombrables enjeux soulevés ? Si ces enjeux revendicatifs sont du domaine de la loi, Il n'est en ce sens qu'un représentant de l'exécutif. Ces mouvements le dépassent. Du temps de Baba Ahmed, isolé dans son cabinet; l'une des grèves a duré presque un mois, jusqu'à l'intervention du premier ministre invitant la fonction publique à ouvrir le dossier. Pourquoi avoir fait perdre un mois à tout le monde ? Pourquoi agir tardivement et imputer le péché à autrui ? Opter pour la paralysie des institutions scolaires du pays ne serait pas l'exclusivité, ni l'amour passionnel des syndicats. Ils n'auraient pas choisi cette fatalité, parfois contraignante pour eux si la politique du dialogue était une version de management. Que l'on ouvre au débat les portes de l'école à tout le monde !

En somme, le monde du travail, telle la société et ses différents rouages est foncièrement excavé. Le combat restera longtemps inégal. Sans véritable intention de vouloir améliorer les choses, les choses ne s'amélioreront pas d'elles mêmes. Les discours, la jovialité dans le verbe ou les fausses prétentions n'iront pas vers les chemins espérés par des enseignants mal évalués et incompris, des écoliers pris en otage et une population lasse et fatiguée. Des blessures barbouillent autant sa chair sociale, que son esprit froissé par le poids de la gabegie et de l'incompétence, alors que son école s'inscrit toujours dans l'inessentiel. Les syndicats ont certes un rôle «politique » à jouer par l'intermédiaire de la mobilisation. D'abord de leur personnel adhérent. Ensuite laisser les autres apprécier le combat. Faire de la politique, parler d'import et d'export, de sécurité et de violence ou disserter sur les cumulonimbus n'émeut personne si cela l'émerveille et enchante les autres, mais faire vendre du pain par un pharmacien ou du vin par un mécanicien c'est la bouillabaisse générale. Que chacun soit monarque dans son royaume. Que chaque égrène son chapelet.       

Que mes amis de tous les syndicats du secteur veuillent bien m'excuser pour cette intrusion, non pas dans la lutte que je consolide et dont je demeure manifestement solidaire, mais dans l'approche évangélisée maintenant dans l'exercice de l'acte syndical. Plus de concentration sur la condition du maitre, de l'instituteur pour le rendre comme jadis, un maitre à penser, un modèle à suivre et non à fuir reste la meilleure action. Les enfants sont une pâte à modeler, une toile vierge, l'enseignant un artiste. Bien entendu d'autres effets climatiques, de famille ou de rue peuvent causer des écorchures dans les œuvres du meilleur artiste. Ce sont ces images, collées l'une à l'autre qui font une société. Ne pensez pas trouver dans un papa, un Etat ni dans une famille une caserne ou une discothèque. Quand chacun joue son rôle avec ses prérogatives essentielles ; la pièce n'est que collectivement applaudie.