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3G : une exclusivité territoriale, concédée aux opérateurs, suscite l'inquiétude

par Yazid Ferhat

Les spécialistes commencent à connaître les éléments prévus dans le cahier de charges pour la licence de la 3G. Une disposition prévoyant, pour des raisons de rentabilité de l'investissement, d'octroyer une exclusivité territoriale à l'un des opérateurs suscite de fortes appréhensions. Eclairage.

Les trois opérateurs de la téléphonie mobile (Nedjma, Mobilis et Djezzy) ont retiré le cahier des charges relatif à l'octroi des licences 3G le 15 août dernier. La date limite pour le dépôt des offres technique et commerciales est prévue pour le 15 septembre prochain.Le prix de chaque licence a été fixé à au moins 3 milliards de DA par l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) qui exige en retour de ce prix «abordable» des tarifs des abonnés «raisonnables». Les trois opérateurs auront, selon le cahier des charges, l'obligation de couvrir au lancement de la 3G, prévue officiellement le 1er décembre prochain, les wilayas d'Alger, Oran, Constantine et Ouargla.Au-delà de ces trois grands centres urbains représentatifs des quatre points cardinaux de l'Algérie, nous apprenons que les trois opérateurs pourront opter pour les wilayas de leur choix pour déployer leur réseau, mais aussi qu'une exclusivité territoriale qui serait donnée en priorité aux mieux placés. Selon une source au fait du dossier, l'opérateur qui présentera une soumission financière allant 5 milliards de DA consolidée par une offre technique conséquente peut prétendre à cette exclusivité. «Ainsi, les opérateurs télécoms qui seraient bientôt détenteurs de la Licence 3G ne pourront pas investir comme ils le souhaiteraient et comme l'exigerait le marché», commente Ali Kahlane, président de l'Association algérienne des fournisseurs de services internet (AAFSI).Une source proche de l'ARPT a expliqué que la décision a été prise par le Régulateur dans l'objectif d'assurer la rentabilité de l'investissement des opérateurs dans certaines régions du pays. Selon la même source, l'ARPT a déterminé un seuil d'abonnés potentiels 3G pour chaque région pouvant assurer la rentabilité de l'investissement avant de trancher pour cette exclusivité.«Dans certaines régions, l'investissement n'est pas rentable pour les trois opérateurs qui ne pourront se partager un parc abonnés potentiel chiffré quelques milliers», a-t-elle expliqué.

Ali Kahlane : «C'est un monopole qui ne dit pas son nom»

Pour Ali Kahlane les exigences du Régulateur «sont loin d'avoir eu comme premier critère la satisfaction de l'abonné». Ses reproches vont à ces «limitations» pour le déploiement réseau des opérateurs qui vont provoquer des exclusions en masse d'une grande partie d'Algériens de l'internet mobile et des inégalités flagrantes entre régions.«On se demande ce qui arriverait aux abonnés dont l'opérateur n'aurait pas pu avoir telle ou telle Wilaya», s?est-il interrogé. Pour lui, ces abonnés seraient «piégés» au mieux, «pris en otage» au pire. Car, a-t-il souligné, la frustration des citoyens est de changer d'opérateur non pas de leur plein gré ou pour des raisons économiques ou de meilleurs qualité services «mais tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement».«C'est un monopole qui ne dit pas son nom», a-t-il tonné. Selon lui, le rôle du Régulateur est d'empêcher toutes formes de monopole et par tous les moyens que lui confèrent la loi et ses fonctions, et de veiller scrupuleusement au seul intérêt du citoyen-abonné.Pour lui, l'exclusivité territoriale ne sera ni dans l'intérêt des opérateurs puisque ceux-là perdraient, par la force des choses, une partie de leurs abonnés ; ni de celui des abonnés, car la plupart devant quitter leur opérateur traditionnel pour un autre. Ali Kahlane relève également les incohérences de cette l'exclusivité régionale et des conditions de sa mise en place. Il faut noter que dans ce système d'exclusivité, d'une wilaya à une autre l'abonné perdrait l'accès à la 3G car l'opérateur avec lequel il est, ne la couvrirait pas. Le roaming national qui l'aurait permis n'existe toujours pas, la portabilité du numéro de l'abonné qui aurait facilité le transfert d'un opérateur à l'autre n'est toujours pas possible. La cadre réglementaire actuel ne les permet pas. Le projet de loi régissant le secteur de la Poste, des télécommunications et les Technologies de l'information et de la communication (TIC) qui prévoit ces possibilités est encore au niveau de l'APN, plus de quatre mois après sa présentation devant les députés. Aux dernières nouvelles, il a été programmé pour la session d'automne qui s'est ouverte le 2 septembre dernier.