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Egypte: la messe est dite pour le combat anti-référendum, mais l'opposition peut rebondir

par Kharroubi Habib



Officiellement, la nouvelle Constitution de l'Egypte a été approuvée par près de 64% des votants au premier et second tour du référendum. Considéré à part, ce taux de « oui » exprimé peut faire considérer que le président Morsi et les islamistes qui ont fait campagne pour l'approbation de cette nouvelle Constitution l'ont largement emporté sur l'opposition qui a appelé à voter contre. Ce qui ne peut par contre se déduire si l'on prend en considération l'autre taux, celui de la participation des électeurs égyptiens au référendum. Lequel est de 32% seulement. 64% des 32% de votants n'autorisent pas à qualifier d'approbation massive le résultat en faveur de la nouvelle Constitution voulue par Morsi et ses partisans islamistes.

L'enseignement qui s'impose à l'issue de ce référendum est qu'une majorité substantielle de l'électorat égyptien s'est abstenue d'y prendre part malgré que le camp présidentiel et l'opposition aient demandé à la population d'y prendre part massivement. Le comportement de cette majorité abstentionniste est à décrypter comme signifiant qu'elle est lassée de la crise politique qui paralyse le pays depuis l'explosion de la révolte de la place Tahrir en 2011 et de la confusion qui y règne. L'opposition, plus que les islamistes au pouvoir, doit méditer les raisons de la forte abstention populaire au référendum qui a permis à ses adversaires islamistes de l'emporter. Qu'elle comprenne qu'elle doit agir autrement qu'à prôner l'occupation de la rue et à contester la légitimité du pouvoir de Morsi et de ses partisans islamistes. Il lui faut maintenant aller vers cette « majorité silencieuse » qui semble ne se reconnaître ni dans le pouvoir qui s'est installé en Egypte sous la férule des Frères musulmans, ni dans sa stratégie à elle de la contestation de ce pouvoir. L'opposition a apparemment pris conscience de cet impératif et est déterminée à conjuguer l'action politique anti-régime islamiste avec une stratégie d'occupation du terrain social comme ont su le faire ses adversaires.

Au pouvoir depuis quelques mois, les Frères musulmans voient incontestablement leur influence s'amoindrir au sein de la population. Pour la raison que la situation catastrophique du pays au plan économique et social les contraint à un «réalisme» en ces domaines qui contredit les mirifiques promesses inscrites dans leur programme. Plutôt que de continuer à ferrailler avec ces islamistes uniquement sur la question politique de la légitimité de leur pouvoir ou de la menace que représenterait la nouvelle Constitution du pays pour la démocratie et les libertés citoyennes, l'opposition se doit d'enfoncer le clou sur la donne économique et sociale du pays et faire valoir que le programme en la matière des islamistes ne peut qu'aggraver la situation dans laquelle l'Egypte est empêtrée.

Elle doit impérativement si elle veut être entendue réaliser son unité. Ce qu'elle a tardivement esquissé avec le Front du salut national (FSN). C'est en maintenant ce Front et en l'élargissant à toutes les forces politiques et sociales opposées au projet de société et au programme politico-économique des islamistes qu'elle acquerra la crédibilité susceptible de faire basculer dans son camp la masse des «attentistes» qui se sont abstenus de voter en faveur du «oui» prôné par les islamistes mais aussi sur son mot d'ordre de voter contre la nouvelle Constitution.

L'opposition semble déterminée à se regrouper comme l'indique son intention d'aller unie aux élections législatives qui doivent avoir lieu dans quelques semaines. D'ici là, il faut qu'elle fasse la preuve que son combat ne se limite pas à camper place Tahrir, mais englobe les campagnes à l'intérieur du pays où son message et ses revendications sont mal perçus. Ce qui permet aux islamistes d'en faire des traductions à l'intention des populations de ces lieux qui les détournent de son combat.