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Algérie : Sonelgaz sonde les privés pour industrialiser le renouvelable

par Salim Dali

Le récent salon de la sous-traitance organisé par Sonelgaz autour de la filière du renouvelable a montré un secteur privé encore dans l'expectative : cadre réglementaire en stand-by, incitations financières floues, menace de la concurrence chinoise. Il en faut plus pour démonter le grand monopole public de la distribution de l'électricité et du gaz décidé à essaimer une expérience industrielle nouvelle sur un marché qui atteindra rapidement sa masse critique de rentabilité.

onelgaz a été désignée à la fin de l'année dernière pivot de la mise en œuvre du programme algérien des énergies renouvelables et compte bien camper son rôle. Rouïba Eclairage, sa filiale chargée de la production de panneaux photovoltaïques a lancé un appel du pied aux opérateurs locaux pour constituer un réseau de sous-traitants autour de son usine. Le site de production de Rouïba Eclairage est le premier maillon dans la politique d'industrialisation de la filière du renouvelable engagée par Sonelgaz. L'usine de production de panneaux solaires photovoltaïques à silicium multi-cristallins devra développer une capacité de 116 MW/an, pour un coût de réalisation d'environ 500 millions de dollars. Sa mise en service est prévue en 2014. Des industriels privés qui ont assisté au salon des 10 et 11 juillet derniers à l'hôtel Hilton ont exprimé leurs craintes de voir l'importation de panneaux chinois supplanter la production nationale et ruiner leur futur investissement comme sous-traitant du donneur d'ordre Rouïba Eclairage. Sonelgaz veut impliquer le tissu industriel algérien en amont de la filière photovoltaïque en lançant la production du silicium en Algérie. Un appel à manifestation d'intérêt pour la réalisation d'une usine de production de silicium a été lancé. L'Algérie dispose d'importantes réserves de ce produit de base destinée à l'industrie des semi-conducteurs et à la production de cellules photovoltaïques. Les conditions pour que les promoteurs privés s'impliquent dans ce programme du renouvelable ne sont pas encore réunies. «Le cadre réglementaire en cours d'élaboration sera finalisé fin 2011, voire en 2012» a reconnu Chahrazed Bouzid, sous-directrice chargé des énergies nouvelles et renouvelables. La loi du 14 août 2004 sur la promotion des énergies renouvelables qui a institué le principe de la subvention n'a pas été suivie de textes d'application fixant le montant de cette aide. Or, ce soutien de l'Etat est indispensable pour assurer la rentabilité des projets dans le domaine des énergies renouvelables.

Les grands équipementiers attentifs

A la source de l'ambition industrielle de Sonelgaz, la taille appréciable du futur parc de production en énergies renouvelables. Elle justifie, selon les électriciens algériens, l'intégration d'une industrie locale des composants. Le programme du renouvelable présenté fin décembre 2010 par le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, se propose de générer 22000 MW d'électricité à partir du solaire et de l'éolien à l'horizon 2030 dont 12.000MW pour couvrir les besoins domestiques. Cette nouvelle feuille de route prévoit également l'exportation de 10.000 MW à cette échéance. La nouvelle capacité destinée à satisfaire les besoins locaux se répartit ainsi : 8000 MW environ en centrales solaires thermiques, 2800 MW en solaire photovoltaïque (décentralisé), et 1000 MW en éolien. Dans la conception des responsables du secteur, l'objectif déclaré est de créer une industrie du renouvelable en Algérie, afin de ne pas entrer à terme dans le cercle infernal de la dépendance technologique. La compagnie nationale d'électricité vise des taux d'intégration importants : 80 % pour le photovoltaïque, 50% pour l'éolien et le CSP (solaire centralisé) en 2020. Les dirigeants de Sonelgaz misent sur une synergie entre le secteur de production d'électricité conventionnelle (centrale à turbine à gaz ou à cycle combiné) et le programme de production d'électricité verte. Le cœur du procès technologique peut être commun dans le cas de l'hybridation avec le gaz naturel. Sonelgaz a lancé en décembre dernier une manifestation d'intérêt pour la fabrication de turbines à gaz en Algérie.

L'engagement du Fonds national d'investissement

Le pays devra, sur les vingt prochaines années, multiplier par près de 4 sa capacité de production actuelle proche de 9 mégawatts. Un effort d'investissement qui a amené les grands équipementiers de la filière (Siemens, Alstom, General Electric, Ansaldo Energia) à considérer positivement la perspective de produire des turbines à gaz en Algérie. Pour ne laisser aucune option technique, Sonelgaz prépare également le lancement d'un appel d'offres pour la construction d'une centrale solaire thermique de plus de 100 Mégawatts, à El Oued, dans le Sud- Est algérien. Il s'agira d'une option différente de la centrale hybride réalisé à Hassi R'mel par l'Espagnol Abener pour le compte de Neal, la filiale pour les énergies alternatives, dont le rôle s'est brouillé depuis que Sonelgaz a été intronisée comme vaisseau amiral du programme électricité verte algérien. Sonelgaz a obtenu des garanties que le Fonds national d'investissement (FNI) s'implique dans le financement de ses projets dans le solaire. Il lui reste à réussir le déploiement d'un partenariat public-privé pour construire cette filière industrielle du renouvelable, et pour y insuffler un minimum de concurrence condition du succès du plan. Le salon de la sous-traitance dans le renouvelable montre que le chemin est encore loin.