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Le chalutier et les mouettes d'ici et de là-bas

par Oualid Ammar

L'ancien international de football, qui a fait les beaux jours de Manchester United dans les années 90, Eric Cantona, ne devrait pas tarder à se retrouver sur la liste noire des terroristes du G 8. Encore que le G 8 n'a pas bronché quand l'Oncle Sam a remis en marche sa planche à billets pour mettre sur le marché 600 milliards de dollars. Cela étant, c'est cette monnaie de singe, parmi d'autres plus vraies, qui est ciblée par le King Eric. Il a commis une vidéo pas comme les autres. A faire baver Ben Laden d'envie et de jalousie. A la base et sur le fond, il n'a évidemment pas l'intention de nuire à qui que ce soit. Parrain d'une campagne de la fondation Abbé Pierre sur les «mal logés» en France, Eric Cantona s'attaque «seulement» aux banques, pilier du système mondial. Il les chatouille. La révolution se fait par les banques, assure le King Eric. «Au lieu d'aller dans les rues faire des kilomètres (pour manifester), tu vas à la banque de ton village et tu retires ton argent», propose-t-il dans cette vidéo. «Trois millions, dix millions de gens et là, il y a une vraie menace». Et s'il y a 20 millions de personnes qui retirent leur argent, le système s'écroule: pas d'arme, pas de sang, rien du tout?, déclare-t-il. Cette sortie inattendue de l'ancien footballeur français ferait actuellement un tabac sur Internet. D'ici à ce que cela fasse boule de neige et que cela sème la panique? L'Europe (Irlande, Grèce?) se débat encore dans la crise financière? Et si les gens faisaient ce que suggère Cantona ?

 Ce serait catastrophique. Inimaginable. Ici, on serait tranquille. On est hors système mondial, ou presque. On nous l'a assuré officiellement, la dernière fois à l'occasion du dernier séisme financier mondial. Et puis, de l'aveu des pouvoirs publics eux-mêmes, il y a des milliards et des milliards de dinars en dehors du système institutionnel. Sous les lits, les matelas, sous terre, un peu partout sauf dans les banques. Cantona est en retard. En tout cas, il ne peut pas revendiquer l'exclusivité. En termes de dégât, nos voisins tunisiens seraient un peu touchés par la «révolution cantonienne», dans la mesure où ils sont plus arrimés au système mondial. Ne serait-ce qu'à travers le groupe Berlusconi co-associé dans Nessma TV ou, si vous préférez, «Herwala TV». Voilà une télévision chassée par la grande porte en Algérie et qui revient pomper ses sous par les fenêtres. Y a-t-il autant de trous dans le gruyère Algérie ? Oui. Nessma ou Herwala TV aspire le pognon des Algériens par le biais de Mobilis (hé oui !), Djezzy ( !!) et Nejdma. C'est par ces trois opérateurs de téléphonie, dont un public, qu'elle fait participer des Algériens à ses jeux et donc qu'elle encaissera des sous que lui transféreront les services du gouverneur Lakssaci. Des artistes algériens se sont également laissé happer par cet écran. Reste à savoir s'ils percevront leurs droits d'auteurs. Un sacré problème. Même en Algérie. Ainsi, l'Office national des droits d'auteurs (ONDA) paie aux réalisateurs leurs droits lorsque leurs œuvres sont diffusées sur le réseau hertzien, mais pas satellitaire. C'est ainsi. L'explication est complexe. Elle tourne autour du fait que géographiquement le public n'est pas le même. Alors que dire ? Dans ces histoires d'argent, le dernier mot revient au timonier Eric Cantona : «Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines».