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Tiaret : Du poulet nourri au poisson

par El Houari Dilmi

Si vous êtes de passage à Tiaret, et que l'envie vous prend de faire un petit crochet par un restaurant de la ville, ne soyez surtout pas étonné de sentir une forte odeur de poisson et un goût non moins prononcé de sardine dans votre morceau de poulet? et n'allez surtout pas chercher à comprendre pourquoi, sous peine de vous voir doublement «déplumé»?

 A l'instar d'autres régions du pays, la filière avicole au niveau de la wilaya de Tiaret est empêtrée dans des difficultés telles que plus d'une douzaine d'abattoirs avicoles, issus du secteur privé, ont fermé leurs portes depuis le début de l'année en cours. Leurs propriétaires sont aujourd'hui traînés devant les tribunaux pour ne pas avoir pu rembourser les crédits importants contractés auprès des banques publiques. La raison principale à l'origine de cette situation intenable, est, selon les professionnels du secteur, la cherté de l'aliment de bétail mais aussi la déclaration de maladies graves qui déciment le cheptel, causant la mort de trois poussins sur cinq selon cet éleveur «ruiné» installé dans la région de Frenda, outre le tarif jugé «rédhibitoire» de l'aliment de bétail atteignant jusqu'à 3000 dinars le quintal, les médicaments vétérinaires et autres produits phytosanitaires sont si chers que cela grève le prix du poulet à la consommation. Et comme consigné dans un procès-verbal dressé par un cadre exerçant au niveau de la direction du commerce de la wilaya, certains éleveurs, peu scrupuleux, n'hésitent pas à faire des «mélanges douteux» à base de poissons d'eau douce, pêchés des barrages de la région, pour en faire un aliment bon marché avec lequel ils nourrissent leurs poussins. Résultat: le consommateur se retrouve certes avec «quelque chose» qui ressemble à du poulet dans son plat mais avec une forte odeur et un goût prononcé de poisson. Face au renchérissement de l'aliment de bétail, d'autres éleveurs font des «amalgames» bizarres à base de pâte de maïs concassé et de levure de pain pour engraisser artificiellement le cheptel au point qu'un poulet vivant qui paraît peser jusqu'à six kilogrammes à l'œil nu rétrécit comme peau de chagrin une fois abattu. Il faut dire que les problèmes dont pâtit la filière avicole à Tiaret sont si nombreux que le prix du poulet flirte ces derniers temps avec les 350 dinars le kilogramme contre 450 pour la dinde, ce qui place les éleveurs, avicoles dans une situation intenable.

 Un abattoir avicole construit avec des normes high tech par un privé à Tiaret sera d'ailleurs vendu aux enchères publiques après que son propriétaire n'ait pas pu honorer le crédit de plusieurs milliards de centimes consentis par une banque publique. Autre conséquence directe de la crise que vit cette filière stratégique pour le monde agricole local, la prolifération inquiétante d'abattoirs avicoles clandestins un peu partout dans la wilaya, au point que des quantités importantes de viandes blanches sont saisies chaque semaine par les services de contrôle dans les différents marchés de la wilaya.