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Questions sur l’euro

par Akram Belkaid, Paris

Avec les déboires de la Grèce, plusieurs questions se posent quant à l’avenir de la zone euro. En effet, la faillite potentielle - même si elle reste peu probable - de l’Etat grec est un événement de taille qui pourrait provoquer l’implosion de l’Union monétaire européenne (UME) ou, du moins, une grave crise de confiance sur les marchés financiers vis-à-vis de la monnaie unique. Plus de dix ans après sa création, l’euro traverse donc sa plus grande épreuve. Un test majeur dont l’issue est loin d’être évidente.

Que va faire l’Allemagne ?

 La première question concerne le maintien ou non de la Grèce au sein de la zone euro. Officiellement, il n’existe pas de procédure visant à exclure un pays de l’Union monétaire européenne. C’est là, l’un des meilleurs exemples du volontarisme qui caractérise la construction. Pour les rédacteurs du Traité de Maastricht qui a jeté les bases de cette union, l’échec - dans le cas présent, il s’agit d’une sortie d’un pays de l’UME - ne pouvait être une option. Il fallait donc le considérer comme une impossibilité et ne rien prévoir le concernant. Problème : dans les circonstances actuelles et après la falsification de ses comptes publics par le gouvernement grec, une exclusion, même temporaire, de la Grèce de la zone euro ferait sens. Comment, sinon, redonner de la crédibilité à la devise européenne ?
 Cela étant, il est peu probable que l’on en arrive à une telle extrémité. Sur le plan politique, les pays européens ne peuvent se permettre d’exclure l’un des leurs dans une conjoncture mondiale marquée par la montée en puissance des pays émergents et par le basculement du centre de gravité de la planète vers l’Asie. La Grèce a donc de fortes chances de rester dans la zone euro mais ses difficultés budgétaires représentent tout de même un facteur d’incertitude qu’il ne faut pas négliger. Que se passera-t-il si, d’aventure, Athènes décide de geler le remboursement de sa dette publique ? Nul n’est capable de prévoir les conséquences d’une telle décision qui reste du domaine du possible.
 La seconde question concerne l’Allemagne. On sait que le gouvernement d’Angela Merkel, attentif à l’opinion publique allemande et aux enjeux électoraux, ne compte pas faire preuve de compréhension, d’aucuns diront de solidarité, avec la Grèce. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Avec la crise grecque, Berlin est surtout en train de s’interroger sur la pertinence de la zone euro. Les dirigeants allemands se demandent ainsi quel est l’intérêt, pour leur pays, de rester dans une union monétaire qui comporte plusieurs maillons faibles lesquels n’ont pas l’air de vouloir s’amender. Depuis quelques semaines, plusieurs scénarios imaginés par des économistes de banques d’affaires évaluent même les possibilités de sortie de l’Allemagne de la zone euro. Scénario inimaginable ? Pas si sûr…
 Cette sortie de l’Allemagne de la zone euro lui permettrait d’abord de se dégager de la contrainte qui la lie aux pays qu’elle accuse de ne pas faire preuve de sérieux sur le plan budgétaire (Grèce mais aussi Espagne, Portugal et même Italie). Ensuite, cela ouvrirait à Berlin une nouvelle voie en matière d’union monétaire restreinte avec des pays plus disciplinés (et plus riches) comme le Luxembourg ou les Pays-Bas. L’Europe compterait alors plusieurs coopérations monétaires et l’on retrouverait le schéma défendu dans les années 1990 par des économistes qui estimaient impossible la convergence entre les économies du Nord et du Sud de l’Europe.

Doutes pour les pays candidats

 Une troisième question concerne enfin les pays membres de l’Union européenne qui n’ont pas encore adopté la monnaie unique. Parmi eux, on compte notamment l’Estonie qui devrait devenir le 17ème pays à accueillir l’euro le 1er janvier 2011, la Pologne (2015) ou la Hongrie (2015). Ce qui arrive à la Grèce va immanquablement faire réfléchir ces pays quant à l’opportunité d’une adhésion trop rapide à l’UME. Et même s’ils maintiennent leur volonté de remplacer leurs devises actuelles par l’euro, rien ne dit que les autres membres, Allemagne en tête, sans oublier la Banque centrale européenne (BCE) ne vont pas les en dissuader ou tout simplement se montrer plus tatillons et exigeants qu’ils ne l’ont été avec la Grèce.