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Le refus algérien des financements extérieurs en débat

par Zohir Bouzid

L'Algérie a choisi de ne plus recourir aux emprunts extérieurs. Choix économique justifié ou attitude souverainiste sous-tendue par le souvenir de la cessation de paiement de 1994 ?

depuis 2004, le pays a entamé le remboursement anticipé de sa dette auprès de plusieurs bailleurs de fonds dont la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque mondiale (BM). Après avoir réduit la dette extérieure d'une manière substantielle en constituant d'importantes réserves de changes, estimées à plus de 143 milliards de dollars, les financements par l'endettement extérieur ont été stoppés net.

 « L'Algérie a fait la douloureuse expérience de l'endettement extérieur dans les années 1990 et n'a pas envie de refaire les mêmes erreurs », a expliqué le professeur en économie Abdelouheb Rezzig. Idée partagée par l'économiste et enseignant à HEC Montréal (Canada) Omar Aktouf qui estime inutiles les financements collatéraux pour l'Algérie. «Si l'Algérie peut faire tourner son économie sans avoir besoin d'emprunts, c'est tant mieux. Pour les offres de crédits, il faut savoir quelles sont les conditions. Ensuite, il est important de s'interroger : qu'est-ce qu'on fait avec cet argent ?».

 Les mêmes arguments sont avancés par les pouvoirs publics algériens qui redoutent que les services de la dette ne finissent par coûter plus cher que la dette elle-même. Mais cette politique prudente peut également refléter une incapacité à gérer les dépenses publiques en dehors des circuits de financement internes. Des financements à fonds perdus ou à taux d'intérêt faibles existent mais sont négligés. «Pour les prêts à 0 ou à 0,5 % de taux d'intérêt, il serait plus juste de prendre parce que les importations deviendront moins chères», estime Omar Aktouf.

«S'approprier l'expertise»

 L'Algérie n'a pas un problème de ressources financières mais la difficulté réside dans la mobilisation de ces ressources. L'expertise et le transfert de technologies sont des pistes étudiées pour une utilisation efficace de ses réserves. «Le problème est qu'il faut s'approprier cette expertise et ce savoir-faire et le seul moyen pour y arriver c'est à travers l'éducation», observe l'économiste Salah Mouhoubi. C'est grâce à l'éducation que des pays comme la Chine ont pu sortir de la dépendance extérieure en produits manufacturés tout en exportant autres choses que des matières premières. Mais, il y a aussi la négociation des contrats relatifs à l'acquisition de nouvelles technologies. «Le conditionnement de ces achats par le transfert de technologies a été un moteur économique pour les chinois et ils savent s'y prendre», a noté Salah Mouhoubi.

 La négociation est un art que l'Algérie ne maîtrise pas totalement. «Si les Chinois achètent 4 turbines électriques, sur chacune ils augmentent le taux d'intégration en contenu chinois jusqu'à ce qu'ils puissent reproduire la turbine à 100% dans leur pays», a dit Salah Mouhoubi. Les divers contrats d'équipements de l'Algérie n'ont pas été négociés de la même manière. Si le besoin en financement ne se fait pas sentir dans l'immédiat, il y a une assistance technique qui est fournie par des banques en accompagnements des prêts. Les banques régionales de développement en sont un bon exemple. La Banque africaine de développement (BAD), qui vient d'ouvrir un bureau à Alger, peut offrir ce genre de services. Une des difficultés que rencontrent les entreprises privées algériennes est le financement à moyen et à long terme. La BAD peut venir en aide à ces entreprises, elle dispose d'un guichet dédié uniquement au secteur privé avec des offres de financements relativement long. «On pourrait éventuellement réfléchir avec le gouvernement algérien et le secteur privé sur la possibilité de mettre en place des financements à long terme qui peuvent répondre aux contraintes de financement des investissements du secteur privé algérien», a relevé Asitan Diarra-Thioune, représentante de la BAD à Alger.