« Arfaâ rassek ya bâ». Qui ne se souvient de cette fameuse injonction faite un jour de campagne électorale à partir de Guelma par Bouteflika au peuple algérien ? Son auteur voulait par là faire entendre que lui arrivé aux commandes de la nation, le temps de la fierté patriotique des Algériens, enfui durant les sinistres décennies noire et rouge, était de retour.

 Il y a eu des citoyens qui ont voulu croire à ce retour. Mais ce qu'il advint dans le pays a vite dissipé leur illusion que le pays renouait effectivement avec une politique et des principes qui allaient de nouveau faire vibrer la fibre patriotique de ses enfants.

 Ce n'est que bien des années après que Bouteflika eut lancé sa fameuse invite que le peuple algérien a relevé sa tête. Et non pas parce que les années de pouvoir de Bouteflika lui ont donné raison à laisser libre cours à sa fierté nationaliste. Mais grâce aux exploits de la «bande à Saâdane», qui ont démontré au monde entier que l'Algérie qu'ils représentent et pour laquelle ils se «défoncent» n'est pas celle que le système et ses hommes politiques donnent à voir par leurs impérities et l'insondable profondeur de leur incompétence.

 Que Saâdane et son équipe remportent ou pas la CAN, qu'ils s'illustrent ou non durant la Coupe du monde en Afrique du Sud, là n'est pas l'essentiel de ce qu'ils donnent à leur peuple. Ils sont déjà entrés dans l'histoire et la mémoire commune des Algériens pour leur avoir fait vivre le rêve d'un peuple réconcilié avec lui-même et d'un pays que le monde ne regarde plus uniquement parce qu'ils se déchire et s'autodétruit. Oui, Saâdane et ses «petits gars» ont réussi ce que le pouvoir et ses hommes n'ont pu faire : redonner aux Algériens leur fierté nationale et redorer le blason du pays sur la scène internationale.

 Il ne faut pas être dupe, ce pouvoir qui a failli est en train de récupérer l'extraordinaire résultat accompli par eux. C'est déjà fait, car l'engouement que suscite l'équipe nationale leur permet d'amortir la violence du mécontentement social dont les grèves ne sont que les manifestations apparentes, et l'indignation que soulèvent les scandales qui éclaboussent l'Etat, ses institutions et leurs hommes dirigeants. C'est peu de dire que les exploits des Fennecs servent, au corps défendant de leurs auteurs, de «soupape de sécurité» dans un contexte où le cocktail détonnant de mécontentement social et d'indignation devant la rapine officialisée peut faire explosion à tout moment.

 L'essentiel est que les Algériens, réunis autour de leur équipe nationale, ont redécouvert la vertu du patriotisme et qu'ils l'expriment, non en solidarité avec un système et des hommes qui perpétuent des politiques et des pratiques définitivement rejetées et condamnées, mais pour montrer haut et fort qu'il existe une autre Algérie qu'ils aiment que celle symbolisée par ceux-là.

 Les Algériens ont effectivement relevé la tête grâce à Saâdane et sa bande. Ils la garderont relevée pour défier, le moment venu, ceux qui ont mis le pays dans la situation où il en sont devenus à désespérer de lui. Et ce sursaut patriotique ne sera pas sujet à récupération et encore moins à manipulation pour redonner virginité au système et au régime. Continuons maintenant à savourer tout ce que nous apportera encore notre équipe nationale, mais uniquement et seulement sous l'angle sportif.