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Attentats de Paris : le Bataclan, aujourd'hui, tout comme Bentalha hier

par Farouk Zahi

La bête immonde a encore frappé et là où l'on s'attendait le moins. Et pourtant, il n'y a point eu en France d'exigence démocratique encore moins de déni de scrutin.

A l'époque sanglante que vivait le peuple algérien, dramatiquement esseulé, c'était à coup de scoops et de plateaux médiatiques qu'on faisait, inconsciemment, l'apologie des crimes absurdes et d'une violence inouïe. On rapportait ces bains de sang, à l'autoritarisme du régime en place, soutenue par une junte militaire dans l'Algérie des années 90'. Le président Zeroual, avertissait du danger mortel de l'hydre terroriste qui ne s'arrêtera en si bon chemin, car ses prêcheurs en feraient un phénomène transfrontalier et il l'est déjà et depuis fort longtemps. Tenter d'expliquer le terrorisme par des envolées académiques, loin des terreaux de sa genèse relève plus de l'absurde que du raisonnement apaisé. Au lendemain de ce sinistre vendredi 13, les titres accrocheurs de la presse tels que : « La France en guerre », « L'horreur au cœur de Paris » etc. n'étaient pas faits pour apaiser les esprits mais au contraire, ils ne faisaient qu'exacerber les ressentiments d'une population désemparée à la limite de la panique. Le peuple français, dans sa grande majorité, épris de liberté, d'égalité et de fraternité selon sa devise républicaine, doit désormais se poser la question sur les desseins non avoués de ses dirigeants politiques. Il se pose déjà la question sur sa sécurité lors des prochaines fêtes de Noel et du Nouvel an.

Et tant mieux ! Car lors des bombardements de Ghazal où chrétiens et musulmans se faisaient massacrer à grande échelle, Paris l'étincelante fêtait avec insouciance ces deux évènements. Le peuple français, touché présentement dans sa chair devra, désormais, se poser la question de savoir pourquoi des jeunes kamikazes venus du Nord sont venus tuer et se faire exploser en France et pas à Olenek dont ils seraient issus ? Tout simplement parce que la politique étrangère de leur pays la Belgique, n'est pas aussi insolemment invasive que celle de leur propre pays. Les dernières informations sur les djihadistes européens, donnent le chiffre de 1800 éléments de nationalité française sur les 3500 d'origine européenne. Il devra, en outre, se poser la question de savoir pour quelle raison ces jeunes élevés, pourtant, dans les valeurs occidentales, deviennent soudain des « Abel » pour leur propre communauté ? Et à ce propos, qu'elles seraient ces valeurs occidentales dont les jeunes issus de l'émigration ne s'en accommodent plus ? Le discours à contre courant des dirigeants politiques français est à l'origine de cette perdition intellectuelle et dont l'électeur français en est la première victime. Il ne doit certainement pas comprendre pourquoi le Hamas palestinien est taxé de parti terroriste alors que sa légitimation s'est faite à travers les urnes. Soufflant le chaud le froid, Laurent Fabius, disait, il y a à peine quelques mois, que ses protégés du Front Al Nosra, l'opposition armée en Syrie, faisaient du bon boulot. Certainement en tuant des innocents et en éviscérant des partisans de Bachar Al Assad en directe sur les chaines TV. C'est d'ailleurs, suite à cette tonitruante déclaration que des ONG et des personnalités droithommistes en appelèrent à la CPI afin de juger le sieur Fabius pour de tels propos aussi irresponsables que fascisants. Ne se démontant nullement, il se défausse en affirmant qu'il parlait au nom de l'Etat français.

Par cet acte qualifié de barbare et revendiqué par les radicaux islamistes, les islamophobes de tout bord, Sarkosystes, Lepénistes et autres mentors d'extrême droite s'engouffreront et auront pour longtemps du grain à moudre. L'état d'urgence décrété par la loi de 1955, en plein guerre d'Algérie est remis sur le tapis. Au sortir de l'Elysée, Marine le Pen est tout à fait d'accord avec l'instauration des mesures d'exception à condition qu'on commence par nettoyer les banlieues et là tout est dit?une « dératisation » à peine voilée. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, anticipe déjà en avançant la procédure de déchéance de nationalité et d'expulsion hors du territoire français avant même la tenue du Congrès de Versailles auquel a appelé M. Hollande. Déjà que le contrôle d'identité du faciès est éhontément pratiqué, que des membres de gouvernements étrangers fouillés au corps, il ne restait que la perquisition des domiciles et des espaces privés pour boucler la boucle. Ce remake d'octobre 1961, n'est pas pour rassurer la communauté issue de l'émigration maghrébine déjà stigmatisée par les Zemmour et consort et à laquelle on rattache tous les maux que vit l'Hexagone. Si le colonialisme français était un mauvais élève, selon le bon mot du Général Giap, ses tenants actuels seraient des cancres en puissance.

Des personnalités politiques, cependant, feront montre de pondération et de lucidité à l'instar de Dominique de Villepin et dont la constance a, jusqu'ici, prévalue vis-à-vis des « va-t-en guerre » de l'Elysée. Qu'ils soient de droite ou de gauche, ils ont eu chacun sa guerre, respectivement en Libye et en Syrie. Et ce n'est pas le suivisme pratiqué depuis plus de 15 ans par la France qui éradiquera le terrorisme, dira-t-il et nous l'avons bien vu depuis l'Afghanistan jusqu'en Syrie aujourd'hui. Le problème n'est donc pas militaire, mais politique et social avant toute chose, il conclura par : « Faire la guerre à qui ? ».

Le politologue, Jean François Bayart, Professeur à l'IHEID de Genève, ne va pas par quatre chemins pour mettre en cause, la politique étrangère de la France républicaine suite à cette Saint Barthélemy des temps modernes :

« Les origines de ce 13 novembre sont aussi à chercher du côté de la politique étrangère de l'Europe et de la France ces quarante dernières années. La démission de l'Europe sur la question palestinienne, l'occasion manquée avec la Turquie que l'on aurait pu si facilement arrimer à l'UE, l'alliance de la France avec les pétromonarchies? sont autant d'erreurs qui n'ont fait qu'aggraver le désastre et nourrir rancœur et radicalisation au Proche-Orient ».(sic)

Maintenant qu'en est-il de cet islamisme radical, représenté précédemment par Al Qaida et présentement par l'Etat islamique, cet épouvantail qu'on agite particulièrement au Moyen Orient en Afrique subsaharienne et en Lybie ? Cà sent, à chaque fois, du pétrole ou des ressources minières ; la nébuleuse s'autofinançant à partir de vente de pétrole, phosphate ou autre à des puissances connues par l'entremise d'intermédiaires. Au rabais, les prix défient toute concurrence. Le général Wesley K. Clark, ancien commandeur des forces alliées de l'Otan et homme politique américain a, lors d'une interview accordée à CNN le 24 février 2015, affirmé ceci : « l'Émirat islamique (dit « Daech ») avait été « créé par nos amis et nos alliés pour vaincre le Hezbollah ». Il mettait ainsi clairement en cause l'Etat d'Israël. Depuis 2001, le général Clark est le porte-parole d'un groupe d'officiers supérieurs opposés à l'influence israélienne sur la politique extérieure des États-Unis, à ses développements impérialistes agressifs et au remodelage du « Moyen-Orient élargi ». Il s'était opposé au déploiement de troupes en Irak, et aux guerres contre la Libye et contre la Syrie. (www.egaliteetreconciliation.fr).

Au vu des événements qui se précipitent et ces Etats nationaux qui disparaissent un à un, l'Islam originel doit reprendre ses droits, il y a va de sa survie. L'Etat hébreux est entrain de mettre en pratique un vieil adage de sa tradition qui est celui-ci. « Ne vous donnez pas la peine de détruire les musulmans en général et les Arabes en particulier, comme des pots de terre cuite, ils s'entrechoqueront pour se briser à la fin ! ». Ces jeunes issus de la communauté musulmane en Europe, victimes expiatoires d'une société mondialisée en perte de repères identitaires, se sont probablement retrouvés sur le quai où les trains ne passent plus. Révoltés, ils s'inscrivent sans discernement dans tout ce qui peut faire entendre leur voix même par la violence. Le choix de l'islamisme radical, ne serait en fait que l'expression d'un malaise social induit par la conjoncture géopolitique internationale. Nous présumons que s'il y avait eu une opposition armée de « verts », ils l'auraient ralliée tout comme les jeunes communistes des défuntes brigades rouges italiennes. Ceci ne justifie en rien les crimes commis contre des innocents et quelque soit leurs convictions religieuses ou idéologiques. Il est cependant curieux que l'élan de solidarité internationale suscité par ces attentats, a exempté les mêmes actes barbares commis sur la population d'un quartier populeux de Beyrouth à seulement quelques jours d'intervalle. Les voies des valeurs occidentales sont impénétrables.