Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les «e-clans» ou la guerre électronique algérienne

par Kamel Daoud

Une époque est morte. Emballée dans nos vieux journaux. Car aujourd'hui, la guerre des clans (fameuse arène du mythe politique algérien) ne se fait plus par journaux interposés, mais par journaux électroniques interposés. Finie l'époque 90 et sa cartographie «journaux ANEP», journaux «privés» et journaux de « services» et de lobbys. La tendance actuelle est à la création de journaux électroniques pour se faire le porte-voix de la néo-info ou de ses clans de soutiens ou des buzz de la diffamation. C'est plus efficace que de téléphoner à un directeur de publication.

L'avantage du journal internet est qu'il n'a pas besoin d'une indentification précise, peut être créé par n'importe qui, n'a pas besoin de l'ANEP parce que ses frais ne sont pas aussi monstrueux que ceux du «papier», possède un réseau de diffusion gratuit, n'est pas passible de poursuites devant la loi, ne possède pas un colonel dans le dos et ne craint pas la masse salariale. Que du bonheur pur et à zéro dinar presque. Un support magnifique pour la guerre des «e-clans» algériens désormais qui, faute de pouvoir moderniser le pays, modernisent leurs moyens de se faire la guerre. Il n'y a rien de commun entre Saâdani, sa mentalité et la liberté d'Internet, mais il en use désormais pour attaquer, parler et dire, et pas seulement lui. En face, ce sont d'autres journaux électroniques, appartenant à des «fils de?», des «frères de?etc.» ou pas qui contre-attaquent ou se positionnent. C'est la guerre des étoiles pour un pays qui est encore sous-développé. Invraisemblable paradoxe. Mais cela est normal : on aura vu en Afrique les meilleures armes du monde accompagner les terres les plus affamées.

A côté, les journaux « papier » ont cet air d'être en retard, de ne plus servir, d'être des vétérans d'une ancienne guerre, des anciens moudjahids qui, pour «remplir», se rabattent sur l'analyse de ce que donne la «presse électronique ». Signe qu'il faut vite changer de méthode et de sens et de performance. Preuve qu'il y a nécessité de se moderniser ou de disparaître. Si aujourd'hui les «clans» se passent du «papier», demain les annonceurs aussi.

La guerre des «e-clans» est donc là. Féroce, dure, sans règles presque, sans frontière de lois, ouverte, touche le monde d'ici et d'ailleurs même. Permet la guérilla plus que le contrôle territorial du sens, prend l'image, le son et la parole pour quelques secondes puis revient dans l'anonymat du clan. Saâdani, Saïd, Toufik, les autres, Aboud et les autres encore, usent d'internet aussi. Le pays est en avance dans ses crises, en retard sur ses solutions. C'est la conclusion. En gros, on peut annoncer ainsi la nouvelle époque : on est passé de Essi Saâdani, à e-Saâdani. C'est un grand pas pour cet homme, un petit pas pour nous, l'humanité.