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Entre réalité et fantasme

par Kharroubi Habib

Tout ne baigne pas dans l'huile entre le président, le haut commandement de l'armée et celui des services. Mais pas au point qu'il se produise un «clash» entre eux qui les ferait s'affronter ouvertement et irrévocablement. Ce qui unit ces trois acteurs clefs du pouvoir est plus fort que ce qui les divise et occasionne entre eux des tiraillements épisodiques dont les échos donnent lieu dans les salons politiques et dans certaines rédaction de journaux à des interprétations et des augures atterrants parce que relevant plus de l'espoir fantasmé de leurs auteurs que d'analyses bâties sur une réalité avérée.

C'est à l'aune de cette vérité qu'il faut accueillir les rumeurs et autres bruits qui nous sont distillés ces derniers temps sur la prétendue lutte qui se déroulerait au sommet du pouvoir avec pour enjeu l'élection présidentielle de 2014. Ce sont des fadaises du même genre que l'on nous a servies en 2004 et en 2009. On nous a également seriné à ces moments-là que Bouteflika a été lâché par l'armée et les services, qu'il n'avait aucune chance de rester à la présidence. L'on sait ce qu'il est advenu. Il en ira de même en 2014 à moins que Bouteflika ne soit irrémédiablement trahi par sa santé et contraint de renoncer à briguer un quatrième mandat.

Entre le trio détenteur du pouvoir réel l'entente est parfois sujette à tensions que provoquent des conflits d'autorité ou des divergences en rapport avec des questions d'intérêts claniques. Mais qui ne remettent pas fondamentalement en cause le pacte sur lequel repose l'alliance qui l'unit. Entre Bouteflika, le haut commandement de l'armée et celui des services, il y a une identité de vue et de conception sur l'essentiel des problèmes en débat dans le pays et fondamentalement sur celui de la pérennité du système politique dont des forces politiques et sociales revendiquent qu'il y soit mis fin. Elle nous paraît par conséquent puérile sinon complice la posture de certains acteurs politiques ou de prétendus faiseurs d'opinion qui tout en fustigeant la connivence et la communauté d'intérêts qui lient le trio, persistent à cultiver l'utopie qu'un clash puisse intervenir entre ses composantes. Et puis même si cela doit arriver, cela ne changera nullement le fond du problème. Un trio se reformera au sommet de l'Etat qui empêchera que le système en vigueur soit remis en cause.

La prochaine élection présidentielle ne pourra être déterminante que si entre-temps les Algériens parviennent à imposer des changements qui feront qu'ils pourront choisir librement celui à qui confier la mission de présider aux destinées du pays. Les «réformes» initiées prétendument dans ce sens et en parfaite entente par le trio détenteur du pouvoir ont visé elles à verrouiller encore plus la voie à cette possibilité. Aussi bien ceux qui persistent à fonder leur espoir de changement dans le pays dans un sens démocratique sur Bouteflika que ceux qui le reportent sur l'armée et les services, ils se trompent tous et se préparent d'amères désillusions. Qu'ils s'illusionnent cela les concerne seuls, mais qu'ils arrêtent d'enfumer avec leur fantasme les Algériens en leur distillant leurs augures et spéculations farfelus.