
L'annonce
de réformes en Algérie peut-elle être sérieuse ? Les hommes peuvent être
honnêtes, le Pouvoir ne l'est pas. Il s'appelle le Pouvoir pas la Tendresse ou la Justice ou Paracétamol. C'est
un grand animal qui a les pieds dans notre géographie, la tête dans son
histoire et qui ne peut pas accepter la mort ou la retraite. Face à la menace
de la foule, il paye ou frappe. Que fait-il face à la menace de l'opposition ? Il
morcelle, coupe le cheveu et détaille les plus petits détails. La Présidence a mis trois
mois pour parler sept minutes. Elle mettra sept ans pour ce qu'elle peut faire
en trois mois. La méthode ? D'abord annoncer des réformes sans détailler les
réformes. Ensuite laisser passer beaucoup de pub et revenir. Avec quoi ? Avec
un homme qui s'appelle Moussa Hadj Moussa : un Président des réformes qui fait
partie des gens à réformer avec la casquette d'un parti qui est en même temps
juge et partie. Bensalah, PDG d'un Sénat personnalisé,
DG du RND et enfant du village natal. On laisse mijoter encore un mois, puis on
annonce que le bonhomme, qui va parler à lui-même par le biais de gens qui sont
d'accord avec lui, va être secondé par deux autre hadj Moussa : un militaire et
un civil, les deux étant conseillers à la Présidence. Ensuite
? Ensuite, l'un des deux va être secondé par trois autres (un militaire, un
civil et assimilé), l'autre aussi en fera de même. Cela fera Neuf dans neuf
jours. En descendant plus bas dans l'échelle, on se retrouvera avec six cents
ou sept, tous proches soit du ministre de la région soit du wali local. A la
fin de la fin, le Pouvoir va dialoguer. Avec lui-même comme à chaque fois. Il
va se dire. Murmurer en regardant son coucher de soleil, se parler à voix haute
puis se donner une poignée de main avec ses deux mains puis signer un
communiqué final qui était là au tout début. Le but de la chronique n'est
cependant plus de dénoncer une arnaque. Depuis si longtemps, on en a l'habitude.
Le plus tragique, c'est le temps et le message que prend ce temps. Il est
signifié aux Algériens, et par la manière la plus directe, qu'il n'y aura pas
de Révolution, de transition ou de vraies réformes. Seulement une récréation. On
ne change pas ou seulement de veste. Et cela devient choquant. Le chroniqueur
se rappelle la sensation physique de l'étouffement à chaque espoir déçu depuis
Octobre. A chaque fois, l'âme se dit que c'est la fin, le changement, l'occasion
de donner au pays son vrai âge et puis l'espoir est déçu et prend ses
espadrilles et s'en va recoudre ses propres semelles avec le fil des idées. Même
avec tout ce qui se passe dans le monde arabe, le Pouvoir chez nous trouve
l'occasion de se dire qu'il est encore jeune, que sans lui c'est le chaos ou
les colons, qu'il ne va pas céder à des gens venus si tard après l'indépendance
qu'ils ne savent même plus qui ils sont et que son histoire n'est pas encore
finie et que personne n'est encore à sa hauteur pour le déloger et que s'il a
chassé la France,
il ne va quand même pas céder devant des indigènes ! Même avec toutes les
révolutions voisines, le Pouvoir a fini par conclure
que cela s'éloigne vers l'est, ne va pas déranger sa toiture et que quand un
homme veut faire la
Révolution, il faut lui demander « combien ? » avant de
s'attarder sur le pourquoi et le comment.
A la fin, il n'y aura rien ou le tout, tout
d'un coup. Mais pour l'essentiel, les réformes s'annoncent déjà comme des
formulaires à remplir ou à déchirer. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si les
deux prénoms Bensalah et Benali
riment par le commencement.