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La planitude des sommets

par El Yazid Dib

Un petit jour. Quelques heures ont suffit à pondre un long communiqué. Encore des condamnations, cette fois-ci, certes piquantes, mais sans aller toutefois à la résolution radicale que tous les peuples attendaient. Un sommet qui a enfanté une planitude.

L'Algérie sait ce qu'elle doit faire. Le président Tebboune sait où partir. Ni a Canossa, ni a Doha. Un sommet qui se répète sempiternellement n'émeut pas trop d'ardeur. L'Algérie ne se déplace pas pour rien. L'histoire des arabes est assez riche en événements douloureux. Elle ne fut en réalité qu'une kyrielle de guerres, de combats et d'éloges post mortem à l'honneur des grandes victoires d'une ère enterrée. Celui qui a dit « dans le corps de chaque arabe repose l'âme d'un prince » voulait en fait suggérer qu'il fallait comprendre par « prince » le sens réel de « pouvoir » « force » et « puissance ». Ainsi les présidents, les chefs, les guides, les combattants suprêmes, les moulouk, les émirs, les mawlay, les ouali el ahd, ne font plus la différence avec les mollahs, les ayat, et les shahs. La commune mesure est une convergence, pour eux, dans l'otique de la destinée de leur peuple. Ils se croient tous investis de l'oracle divin.

Déjà qu'au plan de la communication collective, l'incohérence fait office de maître. Le manque justement de cette cohésion dans la stratégie médiatique qu'avait toujours tenté d'entreprendre la ligue arabe n'est pas de nature à faire avancer les choses dans le sens où l'intérêt commun des uns et des autres le voudrait. Les potentiels frère-ennemis l'auraient bien compris. C'est dire avec toute l'aisance de ne point se tromper ; que le seul ennemi de l'arabe reste son comparse.

Les régimes politiques des provinces arabes, tellement distincts dans leur anatomie constitutionnelle, ne surviennent plus à tracer une distance commune, ne serait ce qu'en vertu d'une défense collective de la question palestinienne. Les royaumes considèrent avec acuité, la raison de survie du trône, les républiques le font d'une manière à garder une telle apparence, les autres s'essayent à la continuité d'une vie tranquille et paisible. Seule l'Algérie ,debout dans ses bottes, fidèle à ses engagements, garde la tête haute et hors ce marasme.

Ce n'est pas une coïncidence ou le hasard d'un agenda, c'est une stratégie d'indépendance qui met en avant la décision de la libre souveraineté nationale.

La nature des régimes arabes malgré les promotions technologiques, le développement rapide des droits de l'homme et le recouvrement de l'indépendance « philosophique » ou les scanners religieux ; restera toujours indomptable et capricieuse. Car la vie n'est qu'un tourbillon et un simple bulletin de climat le plus souvent versatile et paradoxal. Une politique, pas plus qu'un discours ne se relie aux vérités sociales par un ordinaire affichage de bonnes intentions. Se réunir pour se réunir, c'est un peu essayer de sauver la façade des meubles.

Tous les jours, la réalité et la quotidienneté battent une à une les cartes du jeu, biaisé à la mise. Ce ne sera pas, la pratique le prouve, l'énième pinacle des chefs d'Etat arabes, qui osera rompre les diversités originelles plantées dans le parcours ardu qui de différentes voies tend à mener l'unité arabe vers le sommet de la gloire et de la communauté idéale. L'idéal n'est plus donc dans le regroupement conjoncturel que n'est l'accord pour la nouvelle vision de cogérer la chose arabe. L'immense fossé qui les sépare est sans doute la perception de la cause palestinienne en toutes ses dimensions, qui temps aidant s'est compliquée avec le génocide qui se commet encore à Ghaza. Sinon, comment se fait-il qu'au même moment, à la même journée où tous ces chefs et rois sont réunis ; la population ghazaouie vit le martyre? Pas même une minute de silence à la mémoire des milliers de morts, des milliers de familles décimées. L'Etat hébreux bien implanté dans leur tête, sait qu'il n'en saura rien. Qu'il naura rien à subir. Que des pleurnicheries et des radotages du Droit international, du respect de la charte des nations unies et ce qui s'en suit comme litanies habituelles .

Les pays de la normalisation ,présents à l'unanimité n'ont à aucun moment pensé ou avancé le moindre vœu de rompre leur relations avec l'entité sioniste. Ça aurait été le premier pas qui allait marquer la véritable grogne et ainsi signifier valablement la fermeté d'un conglomérat qui ne compte plus sur l'échiquier international. Avec cette initiative à l'apparence presque impossible, tous les compteurs de calculs sionistes seront remis à zéro. Une nouvelle phase sera ainsi mise en relief où la normalisation ne serait qu'une réponse à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza, la reconnaissance d'un Etat palestinien libre et indépendant. Israël ne tient compte que du rapport de force. Pour que les arabes puissent mener encore une guerre et y tenir tête, cela fait partie des miracles. Néanmoins actionner des actions rédemptrices est à portée de main. Arrêter tout contact du simple petit commerce à l'interdiction du survol des espaces aériens. Boycotter tout produit, manifestations de toute nature où sa présence s'y remarquerait. A décharge de ce sont, au point 24 du communiqué, beaucoup d'allusions sont faites sans ce sens,sans pour autant ,avoir eu le courage de les déclarer clairement. Telle, la mise en œuvre des arrêts de la cour internationale de justice ou de la cour pénale internationale statuant sur l'arrestation de Neten-yahu, coupable de crime de guerre.

Le monde arabo-musulman d'en-bas n'attendait pas de simples conciliabules. Il souhaitait voir la prise de mesures concrètes et non pas les situant au niveau de l'intention.

Israël semble les tenir bien à l'abri des soubresauts populaires . Leurs peuples n'en veulent plus de cette situation qui les positionne, sentent-ils dans l'inertie de pouvoir agir. Les contestations de rue le prouvent, malgré la main de fer qui y sévit .

Le monde arabe restera tel qu'il est, au moment où l'autre bouge à grands pas et s'articule à changer à son avantage tous les équilibres mondiaux.