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Gazoduc transsaharien, un pari risqué dans un Sahel déstabilisé - Algérie : miser sur le solaire saharien pour une souveraineté énergétique durable et citoyenne

par Salah Lakoues

Face à l'instabilité géopolitique du Sahel et à la mutation rapide des marchés de l'énergie, l'Algérie doit faire un choix stratégique : persister dans le projet incertain du gazoduc transsaharien, ou capitaliser sur ses atouts solaires inégalés pour bâtir une économie nouvelle, souveraine, verte et inclusive. Une transition qui exige vision politique, mobilisation populaire et création d'un écosystème industriel local.

Le gazoduc transsaharien : un pari risqué dans un Sahel déstabilisé

Le projet de gazoduc transsaharien (TSGP), reliant le Nigeria à l'Algérie via le Niger, est réactivé depuis la crise énergétique mondiale. Long de 4 128 km, il ambitionne d'acheminer jusqu'à 30 milliards de m³ de gaz, par an, vers l'Europe. Mais cette infrastructure, traversant une zone d'extrême instabilité, fait face à de lourds obstacles : insécurité chronique dans le Sahel, coups d'État militaires au Niger, présence de groupes armés, faiblesse institutionnelle...

Sur le plan économique, l'Europe accélère sa décarbonation. À moyen terme, ses besoins en gaz diminueront structurellement. Investir des milliards de dollars dans une infrastructure exposée et à rentabilité décroissante, pourrait donc être un pari coûteux, voire dangereux.

Le Sahara algérien : un levier géoéconomique sous-exploité

L'Algérie dispose d'un des potentiels solaires les plus élevés au monde : plus de 3.000 heures d'ensoleillement par an sur un immense territoire stable. Une ressource propre, gratuite et renouvelable, qui pourrait faire du pays un leader de l'énergie solaire. Le Sud algérien peut ainsi devenir un hub de production d'électricité solaire, tant pour la consommation nationale que pour l'exportation vers l'Europe à travers des interconnexions méditerranéennes. Il ne s'agit pas d'un rêve lointain: certains pays montrent déjà l'exemple à grande échelle.

Mobiliser l'épargne populaire pour une transition énergétique citoyenne

Selon la Banque d'Algérie, près de 34 % de la masse monétaire circule, hors du circuit bancaire. Cette richesse informelle peut devenir un puissant levier de développement si elle est orientée vers l'investissement productif, notamment à travers des sociétés privées de production d'électricité solaire.

L'idée : permettre aux citoyens d'investir directement dans ces entreprises, qui vendraient leur électricité à Sonelgaz dans le cadre de contrats garantis. Ce modèle d'actionnariat populaire, favorisé par un cadre juridique clair et des incitations fiscales, encouragerait la bancarisation, l'intégration de l'économie informelle, et la participation directe des Algériens à la transition énergétique.

Construire un environnement industriel national autour du solaire

Pour garantir une véritable souveraineté énergétique, l'Algérie ne doit pas se contenter d'importer des panneaux solaires ou des onduleurs. Elle doit bâtir un écosystème industriel intégré, incluant :

*La fabrication locale de modules photovoltaïques, d'onduleurs et de batteries ;

*La création de centres de recherche en énergies renouvelables;

*La formation de techniciens, d'ingénieurs et de PME installatrices ;

L'encouragement aux startups spécialisées dans les technologies de stockage, de gestion intelligente des réseaux, ou l'optimisation énergétique.

Un tel environnement industriel stimulerait la diversification économique, réduirait les importations et créerait des dizaines de milliers d'emplois qualifiés, en particulier dans le Sud et les Hauts Plateaux.

Réorienter le gaz vers la pétrochimie

L'essor de l'électricité solaire permettrait de libérer le gaz naturel actuellement utilisé dans les centrales thermiques. Ce gaz pourrait être redirigé vers des secteurs à forte valeur ajoutée :

La pétrochimie, pour créer des filières locales et réduire la dépendance aux produits raffinés importés ;

La production d'hydrogène vert, ressource stratégique pour les exportations futures. Ainsi, le gaz algérien ne serait plus seulement une matière première brute, mais un levier de transformation industrielle et de sécurité nationale.

Une vision d'avenir pour un projet de société

Ce projet n'est pas uniquement énergétique : il est économique, écologique, social et civilisationnel. Il permettrait :

Le développement équilibré des régions du Sud ;

L'essor de l'entrepreneuriat vert ;

L'ancrage d'une nouvelle culture de responsabilité et de coopération ;

La montée en compétence d'une jeunesse trop longtemps marginalisée. Le Sahara, perçu trop souvent comme un désert vide, pourrait devenir la Silicon Valley solaire de l'Afrique du Nord, un centre de production, d'innovation et de rayonnement régional.

Un tournant politique majeur

L'alternative est claire : un gazoduc lourd, vulnérable et géo politiquement risqué, ou un modèle solaire citoyen, industriel et souverain.

Ce choix implique une volonté politique forte : encadrer l'investissement privé, protéger les initiatives locales, favoriser l'intégration industrielle, garantir la transparence des contrats et des tarifs de rachat, et reconnaître les citoyens comme acteurs à part entière de la transition. L'histoire ne laissera pas beaucoup de temps. Les nations qui sauront anticiper, investir intelligemment et mobiliser leur population seront les leaders du XXIe siècle. L'Algérie a tous les atouts pour faire partie de celles-là. Encore faut-il qu'elle fasse le bon choix, maintenant.

Ma proposition est pertinente et s'inscrit dans une logique de transition énergétique inclusive et décentralisée. Voici comment elle pourrait être structurée :

Favoriser l'autoproduction d'électricité solaire dans le nord de l'Algérie (zones urbaines et rurales) pour :

-Réduire la pression sur le réseau national.

-Réduire les subventions étatiques.

-Créer un marché local de l'énergie renouvelable.

-Encourager les investissements privés dans le secteur.

Mesures clés à mettre en place

- Création d'un cadre légal et réglementaire clair

-Autoriser officiellement les particuliers, PME, agriculteurs, institutions publiques à installer des panneaux photovoltaïques pour l'autoconsommation.

-Permettre la revente des excédents à Sonelgaz via un mécanisme de « net metering » ou un tarif d'achat incitatif.

Mise en place d'un tarif d'achat garanti

Fixer un Feed-in Tariff (tarif de rachat) pour l'électricité réinjectée dans le réseau. Tarifs différenciés selon la puissance installée et la région.

Facilitation financière

-Prêts bonifiés pour l'achat et l'installation de panneaux.

-Exonérations fiscales (TVA, droits de douane) sur les équipements solaires.

-Création d'un fonds de transition énergétique pour aider les ménages modestes à s'équiper.

-Création d'un réseau de micro-producteurs

-Mise en place d'un guichet unique pour l'enregistrement des producteurs d'énergie solaire.

-Standardisation des installations et raccordements.

-Contrats types entre producteurs et Sonelgaz.

Bénéfices attendus

-Création d'emplois verts (installateurs, techniciens, maintenance).

-Moins de pertes sur le réseau grâce à la production décentralisée.

-Diminution progressive des énergies fossiles dans le mix énergétique.

- Soutien à la résilience énergétique locale

L'Algérie parie sur le solaire : entre dépendance chinoise et ambition industrielle

Alors que les importations de panneaux solaires chinois explosent, l'Algérie tente de se positionner comme un acteur majeur de la transition énergétique. Une stratégie prometteuse, mais qui appelle à un véritable virage vers l'industrialisation locale.

Une urgence stratégique

L'Algérie dispose d'un atout climatique majeur : plus de 3.000 heures d'ensoleillement par an. Dans un contexte mondial de lutte contre le réchauffement climatique et de dépendance aux hydrocarbures, le pays mise logiquement sur le solaire pour diversifier son mix énergétique.

Mais si la volonté est là, la méthode interroge : pour répondre aux besoins urgents, le pays importe massivement des panneaux solaires chinois. Rapide et peu coûteuse, cette solution ne saurait pourtant suffire.

La dépendance technologique guette

Cette stratégie d'importation permet d'accélérer l'électrification, notamment dans le Sud. Mais elle expose l'économie nationale à une dépendance technologique durable. Peu d'emplois locaux, faible intégration industrielle, absence de transfert de savoir-faire : les retombées sont minimes pour l'écosystème algérien.

Un potentiel inexploité

Pourtant, le pays ne manque ni de compétences, ni de matière grise. Universités, ingénieurs, vastes territoires des Hauts Plateaux et du Sahara : tout est en place pour faire émerger une véritable filière solaire 100 % algérienne.

Encore faut-il une stratégie ambitieuse, structurée autour de six axes.

Vers une industrie nationale du solaire

-Produire localement : créer des usines d'assemblage de panneaux, onduleurs et batteries ; nouer des partenariats avec transfert de technologie ; offrir des avantages fiscaux dans des zones industrielles ciblées.

-Former les compétences : intégrer le solaire dans les cursus universitaires ; créer un Institut national du solaire ; former un corps de techniciens dans chaque wilaya.

-Innover : financer la R&D sur les technologies solaires adaptées au climat saharien ; encourager les start-ups et les brevets locaux.

-Créer un cadre incitatif : imposer des taux d'intégration locale pour les projets publics ; garantir le rachat de l'électricité produite par Sonelgaz ; créer un fonds national dédié au solaire.

-Développer les régions : implanter de grandes fermes solaires dans le Sud ; électrifier les zones rurales avec des mini-centrales ; privilégier l'emploi local.

-S'ouvrir à l'Afrique : lancer une marque solaire algérienne ; collaborer avec les pays voisins ; s'impliquer dans les projets africains d'énergie renouvelable.

L'heure des choix

L'Algérie se trouve à un tournant historique. L'énergie solaire peut être bien plus qu'une alternative aux hydrocarbures : elle peut devenir un moteur de développement, d'industrialisation et d'emploi. Mais pour cela, l'importation de panneaux chinois ne peut rester qu'une étape transitoire. Le véritable pari, c'est celui de la souveraineté énergétique et de la montée en compétence. Et ce pari-là se joue dès maintenant.

Énergie solaire :

L'Algérie face à l'urgence d'accélérer sa transition photovoltaïque

Alors que l'Algérie s'était fixée des objectifs ambitieux dans la production d'énergie solaire photovoltaïque, les retards accumulés dans le déploiement de cette stratégie risquent de faire perdre au pays son avantage comparatif naturel. Face à la concurrence régionale croissante et à la demande européenne en forte hausse, il est urgent de mobiliser tous les leviers - publics, privés et partenariats internationaux - pour faire de l'énergie solaire un pilier stratégique de l'avenir énergétique national.

Un potentiel exceptionnel, mais encore sous-exploité

Avec plus de 3.000 heures d'ensoleillement par an et un Sahara qui représente l'un des plus vastes gisements solaires au monde, l'Algérie détient un potentiel énergétique quasi illimité dans le domaine du solaire photovoltaïque. Pourtant, moins de 500 MW de capacité installée sont aujourd'hui opérationnels, bien loin des ambitions initiales du programme national de développement des énergies renouvelables qui visait 22 000 MW d'ici 2030.

Ce retard compromet non seulement la sécurité énergétique à long terme, mais risque aussi de marginaliser l'Algérie dans la nouvelle géopolitique énergétique mondiale.

Une course régionale est lancée

L'environnement régional évolue rapidement. Le Maroc, les Émirats arabes unis et l'Égypte ont déjà investi massivement dans de vastes complexes solaires connectés à des réseaux intercontinentaux. L'Europe, en quête d'alternatives, regarde de plus en plus vers le Sud méditerranéen.

Si l'Algérie n'accélère pas sa transition, elle risque de perdre une opportunité historique de devenir un fournisseur stratégique d'électricité verte pour l'Europe.

Le gaz, une richesse stratégique... à économiser

Le projet du gazoduc transsaharien (TSGP), censé transporter 30 milliards de m³ de gaz par an, du Nigeria à l'Europe via l'Algérie, représente un axe énergétique majeur. Toutefois, ce volume de gaz représente, en équivalent énergétique, environ 36.000 mégawatts d'électricité par an. Une quantité considérable, mais qui pourrait, en partie, être remplacée par une capacité solaire équivalente si le pays investit massivement. Chaque kilowatt solaire produit localement pour la consommation nationale, c'est du gaz économisé - du gaz qui peut être réorienté vers la pétrochimie à haute valeur ajoutée.

Une stratégie offensive à adopter sans délai

Pour rattraper son retard et affronter la concurrence régionale, l'Algérie doit lancer un plan d'urgence basé sur :

Investissements publics massifs

L'État doit lancer des appels d'offres transparents et rapides pour au moins 10 000 MW dans les cinq prochaines années, avec un engagement ferme sur les délais d'exécution.

Mobilisation du secteur privé national

Les entreprises algériennes doivent être incitées à investir dans la production, l'installation et la maintenance des centrales solaires, à travers :

-Des avantages fiscaux temporaires ;

-Des facilités d'accès au foncier et au crédit ;

-Des partenariats avec les start-ups technologiques et les universités.

Création d'un écosystème industriel solaire :

-De réduire les coûts d'importation ;

-De faire de l'Algérie un hub régional de l'industrie solaire.

Une fenêtre stratégique pour l'avenir

L'Europe ouvre ses marchés à l'hydrogène vert, à l'électricité renouvelable, aux certificats carbone : l'Algérie peut y répondre, si elle se positionne rapidement. La conjoncture énergétique post-Ukraine, les tensions géopolitiques, et les enjeux climatiques convergent pour faire du solaire un levier de souveraineté et de prospérité durable.

Le retard algérien dans le solaire n'est pas une fatalité. Il peut être rattrapé - à condition d'adopter une vision claire, offensive et inclusive. Chaque jour perdu profite à la concurrence. À l'inverse, une mobilisation rapide des capitaux publics, de l'épargne nationale et du tissu productif privé peut permettre à l'Algérie de transformer le soleil saharien en richesse stratégique, en emplois, en exportations et en stabilité à long terme.