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Ghardaïa: La lecture en fête

par Aïssa Hadj Daoud

Dans l'enceinte du stade de la Fraternité, en plein centre de la ville de Ghardaïa, des tentes sont dressées sur l'aire de jeu du stade sur une surface de plus 600 mètres carrés, pour accueillir le festival organisé par la direction de la culture en partenariat avec l'association de «l'enfance heureuse» et la radio locale.

Agiles et laborieux, les hommes de la direction de la culture aidés par quelques bénévoles se déplacent sans cesse d'une tente à une autre, se donnent des coups de main pour dresser ces tentes et déposer des paquets de façon presque machinale. A voir ces belles installations et ce va-et-vient continuel des hommes organisateurs, quelques passants, mus par la curiosité, ralentissent le pas pour jeter discrètement des coups d'œil à l'intérieur, se demandant ce qui pourrait bien provoquer une telle agitation. C'était l'ouverture du festival, le matin du 15 septembre dernier. Leur curiosité est vite satisfaite lorsque leur regard enquêteur rencontre un grand panneau qui se tient pudiquement à l'entrée du stade, sur lequel ils peuvent lire en arabe et en français : «Festival, lire en fête», organisé du 15 au 24 septembre. Quoi que très intéressés, quelques-uns reprennent tout de même leur chemin pour revenir après. L'après- midi de l'ouverture, accompagné de M.Zouhir Balallou, directeur de la culture de la wilaya de Ghardaïa, le secrétaire général de la wilaya était là pour l'inauguration du festival. Derrière eux, l'espace s'anime petit à petit. Vers 18 heures, c'était une énorme ruée des parents accompagnés de leurs petits enfants, tous pressés de s'introduire dans les lieux pour y assister et satisfaire leur curiosité. D'une tente à une autre, certains parents en sortiront avec un bouquin à la main qui vaut la peine pour leurs petits, sans voir le prix.

C'était un vent de fraîcheur qui soufflait sur la vie culturelle, jusque-là morne. Quant aux enfants c'était la grande fête !! Ils y trouvent de tout : livres, jeux de sociétés, des masques pour faire du carnaval, etc. A l'extérieur des tentes, des clowns et des magiciens sont bien là, entourés par des centaines d'enfants très assoiffés de les voir de plus près et de pouvoir les toucher ! Alors que les enfants studieux étaient absorbés par les quantités de livres attractifs pour eux, un quinquagénaire aux cheveux grisonnants, cherchait en vain une série policière de l'époque. Il murmurait : parmi les livres que j'avais observés sur ces rayons, aucun ne semble appartenir à mon passé lointain» ah ! Poursuivit-il, où est le bon vieux temps ? Ce visiteur «flâneur aux cheveux grisonnants», appréciera tout de même les beaux livres pour enfants. Mais le vieux bonhomme qui n'avait pas compris qu'il s'agit là, d'un festival pour enfants, n'a pu trouver ses bouquins préférés, il rentrera bredouille chez lui. «Je suis très déçu» avoue-t-il. Il y a une heure que je galère ici à la recherche d'un bouquin de mon vieux temps, mais je n'ai rien pu trouver. Le vieux bonhomme très exaspéré poursuivra avec conviction». Je suis aussi intéressé par la série «Les Mille et une Nuit». Un responsable du festival assis en toute quiétude sur une chaise se sent concerné, essaya de se défendre en lui répliquant calmement : ce qu'il faut savoir cher monsieur, c'est que les ouvrages exposés ont été choisis spécialement pour les petits enfants afin de les encourager à se rapprocher un peu plus de la lecture». Quant aux bouquins de ton «bon vieux temps», tu les trouveras à la foire internationale d'Alger. Mais au lieu de calmer le jeu, ces propos n'ont fait qu'exacerber l'irritation du quinquagénaire : «Non non ! Cela ne justifie rien de favoriser les enfants au détriment des adultes. Et, notre festival à nous, ça sera pour quand alors ? Ne faudra-t-il rendre à Allah ce qui est à Allah et à César ce qui est à César ? Cria-t-il !!! C'est dire combien certaines personnes sont assoiffées de lecture, à condition qu'elles trouvent les ouvrages qui les intéressent.

Quant aux autres, il va falloir multiplier ce genre de manifestations culturelles, question de les convier à la lecture. Bien entendu, c'est l'offre qui décidera des catégories des livres à mettre à la disposition des lecteurs. Cependant en marge de cette méritoire manifestation culturelle, une bibliothèque ambulante avait fait le tour des communes lointaines de la wilaya de Ghardaïa, en compagnie des clowns et des magiciens, afin de distraire les petits enfants, de les rapprocher aux livres et surtout les inciter à lire davantage. Il ne va pas donc sans dire que ce festival qui avait pris comme slogan «Lire en fête» et qui, au grand regret, a pris fin hier, a été d'une totale réussite. Il aurait certainement permis de retrouver les lecteurs perdus». En espérant qu'il reviendra plus souvent et de manière plus professionnelle, ne serait-ce pour satisfaire ce plaisant quinquagénaire.