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Drôles d'idées

par Ali Brahimi

Ce 15 septembre, le président de la République française et le Premier ministre britannique ont effectué, conjointement, une visite éclair

en Libye. Ils se sont rendus à Tripoli et Benghazi, point de départ d'une révolution qui n'a pas encore montré tous ses impacts internes et externes

C'est dans le cadre de ces objectifs, que le président français a dédié cette tournée victorieuse au peuple syrien lequel, lui aussi, espère se débarrasser de l'oppression du Baath qui est en train de fragmenter, plus qu'avant, la société syrienne en clans antagoniques. Réagissant en milieu de semaine, le président syrien avait lancé une mise en garde contre toute intervention externe. En d'autres termes, qu'on le laisse tuer ce qu'il désire et qu'il a l'intention de réformer les méthodes de la gouvernance comme bon lui semble. En fait, le bréviaire dictatorial habituel. Ainsi, le régime syrien, conforté par la mollesse et la dispersion des idées d'une opposition surprise par le sursaut d'une jeunesse décidée d'aller jusqu'au bout de ses idéaux

A l'évidence les nouvelles générations du Monde arabe sont, chacune en ce qui la concerne, à la recherche des passions d'avenir sans qu'elles oublient, donnent-elles l'impression, celles du passé qui exigeraient de l'abnégation et du courage afin de les dépassionner et qu'il est temps, voire opportun, à plus d'un titre, nous semble-t-il, de penser sérieusement aux sincères liens à imaginer présentement, entre les bonnes volontés des deux rives de la Méditerranée, à la place des anciens entachés d'arrière-pensées et de passions stériles.

Donc, c'est avec le franc-parler mutuellement consenti, s'inscrivant dans la durée, que ces nouvelles générations parviendront à refouler les sentiments d'animosité et, subséquemment, auraient la ferme volonté de faire aboutir les immenses espoirs d'ici et de là-bas. Les révolutions en cours, dans une grande partie du Maghreb et au Moyen-Orient, pourraient constituer une voie salutaire, dans ce sens, en vue d'assainir l'ensemble des malentendus et désaccords, entre les peuples du pourtour méditerranéen, sournoisement entretenus par les extrémistes des deux rives, mélangeant Histoire, idées drôles et intérêts distractifs liés aux groupes politiciens, sans foi ni loi

Les idées drôles finissent souvent par des pleurs

«Quel est ce droit vous donnant la légitimité de s'immiscer dans nos affaires ?» C'est l'une des questions posées, par l'ex guide libyen, à l'intention du NATO, mandaté par le Conseil de sécurité de l'ONU. Au cours d'une visite qu'il avait effectuée au siége de l'ONU, le tonitruant guide avait carrément jeter la charte des Nations unies. Un affront que les principaux membres du Conseil de sécurité vont le lui faire payer au prix de sa tête. Il est vrai, qu'il se fichait pas mal (lui et quelques-uns des membres de sa famille) des convenances diplomatiques internationales, encore moins de la politesse tout court. Il n'était pas le seul à dépasser le seuil de l'intolérable mais, qu'en revanche, il serait unique dans ses drôleries et extravagances faisant amuser beaucoup de gens. Et fait pleurer les Libyens !

Le parcours présidentiel de George W. Bush, pétrolier et cow-boy amoureux da la bouteille, du «chocolat» et de la politique au va-tout, a été jalonné d'idées absurdes. Ainsi, depuis l'assassinat du dictateur Saddam Hussein, les dictateurs arabes pensent à leurs vieux jours et ceux de leurs proches non moins débauchés, en dilapidant à tour de bras les deniers publics. En effet, le moindre dictateur arabe posséderait des milliards de dollars déposés dans des petites banques soi-disant «discrètes». Après leur déchéance, ils se voient dépouillés à leur tour ! Malgré ça, d'autres apprentis sorciers persévèrent dans leurs accointances avec les officines politico financières des USA, entre autres, sachant savamment titiller, en multiples indicateurs apprêtés de bonne gouvernance, l'ego de ces présidents à vie, ne retenant aucune leçon du passé ni celle se déroulant actuellement devant eux. Parmi les leçons de l'Histoire, nous notons celle apprise, à ses dépens, par le président syrien actuel, fils du défunt Hafez El Assad qui avait participé aux côtés des USA à la guerre contre Saddam Hussein, lui aussi Baathiste à l'époque. En collaborant les yeux fermés, il avait d'autres visées liées à la pérennité du système en place et, à l'occasion, instaurer une succession de père en fils éliminant toute voix discordante n'acceptant pas cet état de fait. Drôle d'idées !

L'Histoire ridiculise les dynasties et les empires gouvernant de vastes territoires à la merci des idées déraisonnables

Ainsi, l'Histoire se répète dans les deux pays, l'Irak et la Syrie, autrefois sièges des dynasties florissantes, néanmoins autoritaires et antagoniques (Omeyyade et Abbasside). Une aberration sciemment et savamment entretenue par les empires émergents de l'époque, faisant successivement imploser ces deux empires bâtis autour des schismes religieux, depuis la célèbre bataille de Sifin (658 Ap. JC.), 26 ans après le décès du vénérable Prophète de l'Islam QSSSL

Il serait utile d'ajouter que le protectorat turc, intervenu à la suite de la décadence de l'Andalousie symbolisant le crépuscule du monde musulman, en perpétuelle décomposition depuis les assassinats successifs des premiers khalifes, n'a pas prouvé sa puissance protectrice de l'héritage musulman notamment andalou périclitant au 15ème siècle. De là jusqu'au 20ème siècle, un immense trou noir (un vide existentiel) pour tous les peuples arabes, notamment Maghrébins, soumis au joug des empires coloniaux durant de longues périodes

Aux temps actuels ont apparu d'autres réflexes liés aux ambitions des nouvelles générations éveillées ; en Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Syrie, Jordanie, Maroc, Bahreïn?. sachant distinguer avec sérieux la part des choses et, donc nanties du sens de discernement des enjeux et défis de leur époque. Ainsi, les révolutions en cours, chez quelques pays du Maghreb, dénotent le haut niveau de maturité des principaux initiateurs de ce mouvement rénovateur de la base au sommet de l'édifice des Etats et non l'inverse s'arrêtant souvent, ridiculement et lamentablement, à mi-parcours à la moindre réaction des gouvernants incapables de se lancer dans les nouvelles économies des connaissances à la place des rentières.

Ainsi, au lieu de valoriser sérieusement et efficacement leurs grands territoires, riches notamment en potentialités agricoles insuffisamment mises en valeur, à part quelques tentatives sans lendemains, les stratèges du monde arabe préfèrent importer, puisque l'argent existe à volonté, l'alimentation et les machines en tous genres, notamment de prestige dont beaucoup vont rapidement à la casse du fait qu'ils ne reçoivent qu'insuffisamment la technologie liée à leur maintenance.

Entre un char aidant à protéger les gens et celui en train de les écraser, qui choisir franchement ?

Sans oublier que celui qui vient, aujourd'hui, au secours des gens, demain pourrait les asservir d'une autre manière. Quelle histoire ! Pour le moment, le régime syrien préfère lui-même assujettir le peuple face aux chars. Boutheina Chaâbane, la collaboratrice du défunt Président syrien, ensuite conseillère particulière de son fils, serait tout à fait d'accord, voire ravie, avec cette drôle de logique que les Russes ont maintes fois adopté du temps de l'Union soviétique. Tout le monde connaît ses suites.

Alors que choisir ? Chez quelques passionnés du Monde arabe, ils pensent que la démocratie ne vient jamais à dos de char. C'est vrai. En revanche, la Dictature adore les blindés et n'hésite nullement à tuer?. des ânes. Donc, seuls les peuples en révolution auront le dernier mot de la fin. Celui de la raison. A propos du sens de la raison, M. Bernard-Henri Lévy philosophe, né à Beni-Saf (Algérie) , faisant partie du voyage dans l'avion du président français visitant la Libye, semble hanté par les fantômes de son passé en Algérie, pays de toutes les passions inassouvies. Personnage controversé, certes, il est cependant fidèle à ses idées défendant les immixtions, là où c'est nécessaire, pour des considérations humanitaires selon son point de vue.

A ce sujet, après la chute de Grenade l'Andalouse, d'anciens récits rapportent qu'un Lévy, expulsé en tant que mauresque, avait traversé tout le Maghreb sous l'apparence d'un imam exhortant les musulmans à combattre? les mécréants envahissant la terre d'Islam. Dans une mosquée, en Egypte, il rencontre un autre Andalou qui connaissait sa véritable identité. A l'évidence, le Lévy actuel s'inscrit, nous semble-t-il, dans la même lignée des passionnés inassouvis qui tentent le tout pour le tout, pour atteindre leurs buts. Il est structuré comme ça. Donc, toutes ses idées perçues pas très catholiques, ça le concerne exclusivement. En d'autres termes, ce sont ses oignons. Alors, occupons-nous consciencieusement des nôtres.