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Abbas et le caméléon

par K. Selim

Mahmoud Abbas a tenu malgré les pressions du caméléon Obama et malgré les menaces d'Israël. Il a officialisé la demande d'adhésion de l'Etat de Palestine à l'Onu sur les frontières d'avant la guerre de juin 1967. Une fois qu'il s'est libéré, dans sa tête, de l'obligation de plaire aux Américains, il est redevenu un Palestinien qui a des mots justes et précis. Tout ce que M. Abbas a dit, ses opposants palestiniens, hostiles à la comédie sans fin de la négociation dont le seul effet est d'élargir l'occupation et de favoriser l'épuration ethno-religieuse, l'ont dit avant lui.

 Et, il faut le dire, M. Abbas a mis du temps pour comprendre que l'équation est biaisée. Il ne négociait pas, il était mis dans un rôle dans une pièce écrite de connivence entre les Etats-Unis et Israël. C'est une évidence criante. Mahmoud Abbas a mis un temps considérable pour sortir de la bulle dans laquelle il était enfermé par des capitales occidentales qui louaient sa «sagesse» et se moquaient concrètement de lui en refusant toute mesure qui déplairait à Israël. Il a mis du temps pour comprendre qu'aucune capitale occidentale ne veut d'un printemps pour les Palestiniens et que leur très longue «amitié» avec les dictatures voisines, celle d'Egypte notamment, avait pour but fondamental de préserver la poursuite de l'expansionnisme israélien.

 Oui, Mahmoud Abbas a eu des mots justes dans son discours devant l'Assemblée générale. Encore faut-il que son comportement futur ne régresse pas dans les faux-semblants des fausses négociations. Obama aime, paraît-il, le printemps arabe. Il n'aime pas, c'est une certitude, un printemps palestinien qui ne soit pas autorisé par Netanyahu.

 Le grand mérite de l'initiative de Mahmoud Abbas serait de contraindre l'administration américaine à faire usage du veto. Cela n'aurait rien de surprenant pour ceux qui suivent dans le détail le comportement des administrations américaines, mais cela serait édifiant pour ceux qui pensent que le gouvernement américain est «l'ami» des peuples. Ce veto américain contre la Palestine et les Palestiniens sera perçu, à juste titre, comme faisant partie de la même panoplie répressive dont les dictatures ont usé ? et usent encore ? contre les aspirations des peuples à la liberté et à la dignité. Le veto américain ne diffère pas des balles dont usent les régimes contre ceux qui demandent la dignité et la liberté.

 Il faut se le dire et le répéter : le combat des Palestiniens n'est pas séparable du combat des peuples arabes pour la liberté et la dignité. Mahmoud Abbas - c'est un constat que même des gens de son parti ont tenu - a été trop crédule et n'a pas été à la hauteur pendant des années des fausses négociations et des promesses illusoires. Il a été constamment berné par les Américains en premier, ces présumés parrains dont l'action consiste à fabriquer la fiction de la négociation pour permettre à Israël d'avaler les territoires occupés. Il faut espérer que Mahmoud Abbas ne retombera plus dans le piège. Il vaut mieux un veto américain plutôt que d'accepter cette proposition, faussement médiane, d'un statut d'Etat observateur.

 Mahmoud Abbas savait, on l'espère, qu'il n'attendait pas un effet sur le terrain d'une éventuelle reconnaissance de l'Etat de Palestine. Ce qu'il a obtenu est une prise à témoin du monde entier d'une injustice sans fin imposée aux Palestiniens. Il n'a pas besoin d'un faux statut d'Etat observateur qui, finalement, annulerait tout l'impact politique de sa démarche. Et surtout, il faut espérer qu'il ne va pas succomber aux sirènes du «quartette» qui ne sort de son mutisme que quand Israël est dans l'embarras.

 Mahmoud Abbas, s'il ne veut pas régresser par rapport à son discours, doit orienter son action en direction de son propre peuple pour rétablir une unité ruinée. Et vers le mouvement des peuples arabes qui peuvent changer la donne. Après des années perdues, il est temps pour les responsables palestiniens de changer de perspective.