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Surenchère politicienne

par Ghania Oukazi

Les Etats arabes viennent de démontrer que leur conception de l'aide et du soutien au peuple palestinien diffère d'un Etat à un autre, ou précisément, d'un bloc à un autre.



A chaque chose malheur est bon, le Sommet de Doha, la capitale qatarie, bien que n'ayant pas atteint le quorum, selon le décompte de la Ligue arabe de Amr Moussa, contribue à dévoiler le fond de la pensée des dirigeants arabes à propos de la cause palestinienne. Ils étaient une poignée à accepter de se réunir à Doha, vendredi dernier, même s'ils avaient déjà été informés de la défection de leurs homologues, y compris ceux d'entre eux qui étaient prêts à y être mais s'étaient rétractés à la dernière minute pour des considérations de surenchère politicienne de bas étage. Une poignée, certes, mais la bonne, celle de dirigeants qui ont compris d'abord que la cause palestinienne n'est pas et ne doit pas être seulement arabe, mais musulmane au sens le plus large du terme. La présence du président iranien Ahmedinedjed en est un indice fort. Au diable le choc des civilisations, les actes jugés antisémites, les pacifistes du troisième millénaire, au risque de radoter, la cause palestinienne est une question de décolonisation et ne trouvera sa solution définitive et globale que par le déclenchement d'une véritable révolution. Pour la défense de ses citoyens et des territoires qu'elle a spoliés au cours de l'histoire récente, l'entité sioniste n'a pas hésité à outrepasser le droit international et a agi selon ce qui lui a été dicté par sa seule conscience, sans s'encombrer de considérations onusiennes largement ignorées et dépassées par la folie des hommes à préserver leurs intérêts. Les Etats-Unis d'Amérique ont encore une fois pactisé avec Israël pour, disent-ils, lutter contre le trafic d'armes dont ils accusent le mouvement de libération Hamas d'en être le coupable. Tous les moyens sont bons pour détourner l'attention de l'opinion internationale et l'Histoire. 1948, c'est, il y a à peine 60 ans. Les Palestiniens, qui étaient les enfants d'alors, s'en souviennent comme si c'était hier. Ils le racontent aux enfants de la première Intifadha qui sont aujourd'hui des résistants, armes aux poings. Attablés à un café dans les étroites ruelles d'El-Qods, un Palestinien au keffieh vieilli nous disait en 2000, qu'il se souvenait très bien de cette époque où les Juifs, venus de tous les coins du monde, arrachaient la terre aux Arabes.

La résistance palestinienne riposte depuis plus de 20 jours contre les F16 et les chars blindés israéliens avec le peu de roquettes qu'elle possède. C'est de trop que de dire, que les conséquences de la sale guerre sioniste contre Ghaza sont dramatiques. Parce que si les martyrs tombent, c'est pour que leur peuple apprenne que la liberté ne se donne pas, elle s'arrache à coups de sacrifices de vies. L'Humanité toute entière s'est faite dans la douleur. Les Palestiniens n'ont jamais eu la prétention de réinventer l'Histoire. Ils savent comme tout le monde, qu'elle est guerre et violence. Ils savent surtout que les peuples ne peuvent être libres que s'ils tiennent tête à ses folies. L'Algérie n'avait accepté de déposer les armes qu'elle avait eues grâce à l'aide cruciale de certains pays arabes, que lorsque la France coloniale s'était résolue à l'idée ferme de l'indépendance. Quand le Dr Mohamed Abed Khouidmi, l'urgentiste algérien, a réussi à rentrer à Ghaza, les Palestiniens qu'il a rencontrés lui ont, a-t-il dit, rappelé avant tout que l'Algérie, c'est le pays d'un million et demi de martyrs. La résistance vaut par sa force de ne pas capituler devant l'ennemi. Les résistants palestiniens le savent. A Doha, Khaled Machaâl a rejeté froidement toute idée de cessez-le-feu.

Le rendez-vous de Doha a, dans la forme, réuni quelques pays pour discuter de Ghaza, mais dans le fond, il a recentré les objectifs des uns et des autres visant à aider la Palestine en les constituant en blocs distincts. Doha a compris que les factions palestiniennes, qui luttent pour la libération des territoires occupés, ont urgemment besoin d'aide. « L'Algérie fera tout pour répondre aux aspirations des peuples arabes et islamiques », a souligné la semaine dernière, le président Bouteflika lorsqu'il a reçu à Alger le vice-président iranien. Sa présence à Doha confirme cette intention de soutenir et d'appuyer la résistance palestinienne. L'Iran et la Syrie étant tous les deux considérés par Tel Aviv et Washington comme bailleurs de fonds de la résistance palestinienne, ils n'ont nullement besoin de le prouver. Il leur suffit d'avoir été présents à Doha.

Le reste des dirigeants arabes ont fui la rencontre parce qu'ils ont eu peur de se voir inclus dans « l'axe du mal » que l'Amérique de Bush a tracé pour les tenir en laisse. Ils s'obligent ainsi à faire dans le politiquement correct avec un Etat terroriste. Ceci étant dit, le Sommet de Koweït City ne sera pas de trop. Il précisera davantage la juste vision des uns et des autres Etats arabes et musulmans qu'ils se font du conflit israélo-arabe. Pour que le soutien à la cause palestinienne aille au-delà des slogans, une telle décantation devient plus que nécessaire dans ces moments de crise.