Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Un sommet après le cessez-le-feu

par K. Selim

Après plus de 1.300 morts et des milliers de blessés à Ghaza, il serait vain de se désoler des divisions et des fractures entre les gouvernements arabes. Le massacre commis par les Israéliens avec l'assentiment coupable de certains dirigeants ne permet pas d'accorder le moindre sens aux mondanités koweïtiennes, ni le moindre intérêt à des contorsions byzantines. Il faut seulement espérer, pour sauver ce qu'ils peuvent de la dignité perdue, qu'à Koweït, les dirigeants arabes, définitivement jugés par les opinions, ne vont pas rejouer la partition du consensus cosmétique. Il n'existe pas de consensus et la Ligue arabe n'existe plus.

Hosni Moubarak a beau réitérer sa stricte obédience aux Etats-Unis, l'administration Bush ne lui a pas épargné un ultime affront en signant avec Israël un mémorandum destiné à sécuriser la seule frontière - fermée constamment - de Ghaza avec l'extérieur. Bien sûr, Le Caire a repris de la voix en indiquant que ce mémorandum ne l'engageait pas et qu'il n'accepterait pas de présence étrangère sur son territoire, mais cela ne change rien à la donne.

Le martyre de Ghaza est un révélateur. L'effroyable carnage des pauvres et des désarmés a profondément bouleversé les opinions publiques, pas seulement dans le monde arabe. C'est un tournant. Certains Etats arabes dits «modérés», dans un alignement servile aux Etats-Unis, ont inventé depuis quelques années une menace «perse» et «chiite». C'est cet alignement qui leur a fait souhaiter que l'agression israélienne se termine par une défaite politique du Hamas.

Au nom de quelle logique Israël deviendrait un « ami » et l'Iran un ennemi ? Comment se fait-il que la Turquie ait été plus ferme dans la dénonciation de l'agression israélienne que beaucoup d'Etats arabes ? Quels intérêts justifiaient que l'Arabie Saoudite et l'Egypte déploient tant d'efforts pour empêcher la tenue d'un sommet de la Ligue arabe consacré à Ghaza ? La seule explication est que Washington n'en voulait pas.

Que des Etats arabes ne puissent pas avoir la moindre marge à l'égard d'une administration Bush finissante et déconsidérée est un message affligeant adressé à la nouvelle administration Obama. Les agences de presse occidentales l'ont relevé avec une ironie évidente : les dirigeants arabes tiennent un sommet «après le cessez-le-feu».

Dans cet aréopage de «modérés», le plus pathétique est malheureusement Mahmoud Abbas qui a refusé d'assister au sommet de Doha car, a-t-il avoué au Premier ministre qatari, «il craignait d'être égorgé». Par qui donc ? Qu'aurait-il eu à perdre à rester dans la posture politique de Yasser Arafat qui assistait à toutes les réunions consacrées à la Palestine, sans tenir compte des divisions et des oppositions entre les acteurs ? Au pire, il aurait cessé d'être invité dans les chancelleries occidentales, mais il aurait gagné un peu d'estime auprès de son peuple.

Le sommet du Koweït est désormais inutile à Ghaza, même si certains Etats décideront - si Washington le permet - quelques gestes financiers pour la reconstruction d'infrastructures détruites par la «civilisation». Sa seule utilité possible serait de reconstruire un faux-semblant. Mais il n'y a pas d'unité possible entre ceux qui ont conservé un minimum d'indépendance et ceux qui ne sont que des protectorats. Et c'est tant mieux car, dans les faits, la question palestinienne n'est plus une affaire strictement arabe, elle est celle des justes dans le monde.