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L'après-Ghaza

par Abdou B.

«Ce qui manque aux orateurs en profondeur, il vous le donne en longueur». Montesquieu.

Il y aura bien, tôt ou tard, un après-l’holocauste perpétré à Ghaza avec la bénédiction de l’ONU, l’équilibrisme orienté de nombreux pays européens et la complicité servile de régimes arabes corrompus, familiaux, sans envergure ni perspective, comparés aux scénarios planifiés sur le long terme par Israël. Après Ghaza, il faudra bien comptabiliser froidement les victimes, les dégâts et les dividendes politiques de tous les acteurs proches ou éloignés du terrain où s’est joué un génocide aux multiples facettes. Il faudra bien aussi faire le bilan des dérives médiatiques, des viols de l’éthique professionnelle commis par une foule de chaînes de télévision publiques et privées, essentiellement françaises pour ce qui est des publics francophones dans les pays arabes et musulmans. Ce qui a déjà des conséquences dans l’inconscient arabe.

L’ONU, qui s’est révélée une fois de plus une simple sous-préfecture américaine, s’affiche comme le premier grand perdant. Sa toute relative importance dans le règlement de conflits internationaux et sa modeste crédibilité dans les guerres en dehors du continent européen ont été mises sous terre avec les enfants, les femmes et les personnes âgées de Ghaza, et du reste de la Palestine depuis des décennies. Le commun des mortels est en droit de se demander à quoi sert-il d’être membre de l’ONU, si l’on ne dispose pas du droit de veto et si l’on n’a pas comme fondement invariant de ne reconnaître aucune résolution de «la communauté internationale» comme le fait le petit Etat américain qu’est Israël. Les citoyens arabes sont aussi en droit de demander à quoi sert-il de reconnaître Israël et d’avoir des relations diplomatiques avec un tel régime terroriste, qui utilise des armements interdits par l’ONU, par le droit et le respect des droits de l’Homme à la vie, à la nourriture, à la paix....

L’autre perdant dans certains de ses membres foncièrement et toujours aligné à l’avance sur toutes les positions et actions meurtrières d’Israel est l’Europe. Celle-ci, à travers des pays majeurs et d’autres rikiki, feint d’équilibrer sa politique étrangère et de protéger ses intérêts avec les pays arabes, qui sont sans commune mesure avec ceux qu’elle a avec Israël, soutient les génocides perpétrés par Israël. L’Europe, dans une logique planifiée par les USA, peut accepter rapidement l’adhésion d’Israël. C’est là une autre manière de faire reconnaître l’Etat hébreu par les pays qui ne reconnaissent pas un régime terroriste. Imaginons des négociations entre un pays arabe et l’Europe. Au sein de la délégation européenne, se trouverait un officiel israélien, que fera ce pays arabe qui ne reconnaît pas l’Etat juif devant son opinion et celle des Palestiniens qui sont massacrés, exilés, réduits à un état infra humain depuis la spoliation de la Palestine ?

Une série de questionnements sera posée dans l’après-Ghaza, sachant qu’Israël «défenseur de l’Occident et du monde libre» autoproclamé malgré les citoyens du monde occidental qui condament la barbarie digne des nazis pratiquée par Israël, protégé par le veto américain et la peur des dirigeants européens devant les groupes de pression bouclier infranchissable devant la folie sanguinaire des extrémistes de Tel Aviv, est dangereux pour la paix et la coexistence des cultures. En attaquant la population de Ghaza, l’armée israélienne qui a annoncé «la bonne nouvelle», à partir du pays qui abrite et dirige la Ligue arabe, a atteint un premier objectif. Ce dernier accentue les divisions arabes, fragilise de l’intérieur les régimes et dope les mouvements radicaux, nationalistes et les courants adeptes du terrorisme. Tous ces facteurs sont voulus par Israël qui a besoin de tensions, d’une guerre perpétuelle et d’éradiquer sur la durée l’idée même d’un Etat palestinien. Les régimes arabes occupés durablement, selon les cas, à réprimer les tendances islamistes, à négocier sans cesse avec eux, à dépenser de l’argent et des énergies pour contrôler la rue et les opinions, se soucieront peu de l’holocauste planifié des populations plaestiniennes. Le Hezbollah et Hamas légitimés par leur résistance, leur ancrage populaire et le refus d’une solution politique par Israël sont à chaque fois renforcés aux yeux des opinions arabes. Ce qui fait tourner le marché des armements et si des actions terroristes, kamikazes sont commises en Europe et en Israël, la lutte «antiterroriste» devient une donne à perpétuité comme le cycle des violences entretenu par Israël.

L’après-Ghaza aura démontré aussi que les médias (pas tous) occidentaux sont depuis toujours partie prenante du conflit israëlo-arabe et israëlo-palestinien en faveur des thèses génocidaires de l’Etat juif. Le caractère religieux, colonialiste, babare, raciste d’un pays qui a l’arme nucléaire, ne gène nullement les médias en question. Aux yeux de centaines de millions de terriens, l’Iran a bien raison de se doter du nucléaire pour assurer un équilibre de la terreur, à moins que l’Etat hébreu soit dénucléarisé. Or, cette hypothèse est à jamais refusée par l’Europe et les USA puisque les Israéliens sont les gardiens du «monde libre», de ses intérêts dans une région dangereuse. La perte de crédibilité des médias occidentaux dope au maximum l’audience de la chaîne Al Djazeera, «la reine mère» des TV arabes. Les citoyens et les journalistes arabes condamnent bien entendu l’alignement des médias européens, des intellectuels éructent des poncifs sur la communication des pays étrangers et rabâchent toutes les thèses archi connues sur le rôle des médias. Cela permet d’occulter la vraie question centrale : qui empêche tel ou tel pays arabe de développer de grandes chaînes, des journaux de classe mondiale pour assurer la couverture du monde, avec professionnalisme et objectivité. Pour le moment, seule la TV quatarie, régulièrement attaquée par les USA et des régimes arabes, redonne un peu de dignité aux masses arabes et musulmanes qui y trouvent de l’information en direct, des points de vue, des dérives et le soutien sans réserve à la Palestine au moment où, TF1 et d’autres médias publics justifient tous les crimes contre l’humanité managés par Israël. Dans sa grande magnanimité, celui-ci daigne ouvrir un «couloir» pour des raisons humanitaires, présenté comme une grande victoire d’une diplomatie euro-égyptienne. Le crime absolu avec une mascarade en prime.

L’UPM prise en otage par Israël a beaucoup de plomb dans l’aile. Le terrorisme tous azimuts trouve dans Ghaza des raisons d’agir, des soutiens et une légitimité perdue par ceux qui laissent le génocide se refaire régulièrement. La méfiance envers l’Occident revient en force grâce à Israël qui se déclare défenseur de l’Occident (lire chrétien pour les extrémistes islamistes) qui apporte tous les soutiens. D’autres vaincus et d’autres vainqueurs seront connus après Ghaza. Quant à Israël, il n’a pas perdu la paix car il n’en veut pas.