Autrefois, l'Algérien quittait souvent son lieu de naissance
pour aller ailleurs dans un village ou une ville, étudier au collège puis au
lycée, inscrit à l'internat, et quand ce ne fut pas possible, il était hébergé
chez des proches, solidarité du clan oblige. A cette époque, ils n'existaient
que trois universités, celle d'Alger, celle d'Oran et celle de Constantine.
Quand on y entrait pour la première fois, c'était le dépaysement total. Le
cosmopolitisme y régnait, les étudiants venaient des quatre coins du pays et
les professeurs affluaient de tous les continents. Aujourd'hui, l'Algérien naît
dans un trou paumé, fait ses études dans des écoles, des collèges, des lycées
et des pseudos campus qui ne les séparent que de quelques minutes de chez-eux ;
quant à leurs profs, ils ne sont en fait que leurs voisins de quartiers. Alors
ne soyons pas déçus si nos bâtiments sont mal faits et nos villes sinistrées,
le plus souvent ceux qui les conçoivent n'ont jamais quitté leurs quartiers
pour avoir des repères qui animent l'inspiration, créent et consolident le
talent. Le reste des corps et métiers n'est pas mieux loti. Aussi, si les
qualités humaines qui imprègnent les individus d'urbanité, leurs modes de
pensée et leurs réactions associés au fait de vivre en ville ne se font pas
acquérir en société, ces citadins en apparence cachent mal leur ruralité
intrinsèque. L'atavisme les met à nu, car ils demeurent en déphasage chronique
et visible entre ce qu'ils portent en eux réellement et ce qu'ils veulent faire
apparaître à ceux qui sont autour d'eux. Leurs fortunes ou leurs titres ne leur
sont d'aucune utilité, leur naturel immergé réapparaît après chaque marée.
L'urbanité est un sens de vie, un savoir-être et un savoir-faire, on l'a ou on
l'a pas. Vivement l'ouverture d'esprit sur le monde mobile, s'arc-bouter et
s'accrocher au temps qui s'est arrêté ne fait qu'en-coquiller encore plus des
mentalités déjà figées au Cénozoïque. Comme on dit à Rome : urbi et orbi, « à
la ville et à l'univers ».