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Comme pour des boulangers, des bouchers, des vendeurs de
tickets ou de lait, l'armée algérienne était «fermée» le week-end des fêtes.
Pas l'armée «d'en bas», des troupes, mais celle d'en haut. Neuf ou onze soldats
algériens ont été tués par des terroristes à Aïn Defla, mais l'ENTV n'en a pas
parlé, la Présidence n'a pas émis des condoléances et le chef des armées n'a
même pas officialisé le drame ou seulement le dimanche. Après réveil. On a
parlé donc de défaillance du plan de communication et de stratégie mise en
échec. Grands mots de simples causes : le jour férié et la mentalité secteur
public. Personne n'était là pour dire s'il fallait dire ou pas. C'est simple. A
cela s'ajoute le malaise comme produit secondaire de la réconciliation. Car on
n'est plus dans les années 90 mais après les années 2000 : les islamistes sont
« amis », les prêcheurs sont protégés, les djihadistes sont des égarés attendus
avec lait et datte, les attentats sont des accidents et la doctrine
antiterroriste et une erreur de jeunesse 90. La menace n'est même plus
l'islamisme, mais l'opposition, Barakat, des syndicats ou des journalistes ou
des partis. On réagit avec la fermeté des communiqués contre les détracteurs de
Bouteflika et on félicite avec de longues lettres le FLN. Ce qui porte atteinte
à la morale des troupes, ce ne sont pas la Qaïda & Cie mais nous, les gens
qui doutent ou qui critiquent ou qui osent s'élever contre le jeu de Monopoly.
Gaïd Salah a donc plus écrit pour s'expliquer en «politique», pour fustiger des
oppositions ou affirmer ses positions, que pour expliquer des pertes, expliquer
la mort de jeunes soldats algériens ou rendre des comptes. En la matière, les
assassins terroristes à Aïn Defla ont fait mieux : communiqué, photos des morts
et photos des armes prises.
«Le maintien du moral des éléments à son plus haut degré est la première de nos priorités dans l'Armée nationale populaire, car nous sommes d'une totale conviction que la source du développement des armées, en général, et de leur force et victoires revient précisément et principalement à leur force de morale, avait déclaré, il y a à peine quatre jours, Gaïd Salah. Le drame d'Aïn Defla prouve donc qu'une bonne communication, des condoléances, une prise en charge efficace et vigoureuse, une présence, participent à ce «moral des troupes» qu'il fallait assumer. D'autant qu'il s'agit là du «moral d'une nation». Le drame d'Aïn Defla a profondément touché les Algériens. Car cela touche des enfants algériens, car cela fait pressentir la peur et l'insécurité, fait douter profondément des capacités des élites actuelles de cette armée et de leur conscience du danger. Et cela a provoqué la colère car ce drame n'a pas fait réagir à temps ce régime et les siens prompts, apparemment, à agir vite quand ils sentent la menace sur leur intérêts, pas sur la vie «d'en bas». Les Algériens ont peur car ils sentent que la grande muette est peut-être sourde et aveugle. C'est le pire en ces temps troubles. |
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